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Claude, empereur malgré lui

Claude, empereur malgré lui

Titel: Claude, empereur malgré lui
Autoren: Robert Graves
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population en souffre, comme les civils pendant la guerre.
    —  Tu le penses vraiment   ? On obtient pourtant des prix étonnamment bas quand un marchand vend moins cher qu’un autre ou quand il fait faillite.
    —  Autant dire alors que les non-combattants peuvent parfois faire des fructueuses trouvailles sur les champs de bataille   : débris de métal, peau et sabots des chevaux morts, pièces de chars démolis en assez bon état pour permettre d’en reconstruire un. De telles aubaines sont négligeables comparées à la perte de leurs fermes brûlées et de leurs moissons piétinées.
    —  Les marchands sont-ils aussi néfastes que tu dis   ? Je n’ai jamais vu en eux que des serviteurs utiles de l’État.
    —  Ils pourraient et devraient l’être. Mais leur manque de coopération, leurs rivalités, les jalousies qui les obsèdent en font des êtres nuisibles   ! Le bruit court, par exemple, qu’il va y avoir une demande de marbre coloré de Phrygie ou de soie de Syrie, ou encore d’ivoire africain ou de poivre indien   ; de peur de rater l’occasion, ils se disputent le marché comme des chiens enragés. Au lieu de suivre les routes habituelles de leur négoce, ils envoient précipitamment leurs navires vers les nouveaux centres producteurs en donnant l’ordre à leurs capitaines de rapporter le maximum de marbre, de poivre, de soie ou d’ivoire à n’importe quel prix, et bien entendu les étrangers font monter leurs cours. Deux cents chargements de poivre ou de soie sont ramenés à grands frais, alors qu’en réalité la demande n’en intéresse qu’une vingtaine, et voilà cent quatre-vingts bateaux qui auraient pu être beaucoup mieux employés à transporter d’autres marchandises pour lesquelles, il y aurait eu de la demande et dont on aurait pu obtenir un bon prix. Manifestement, le commerce devrait dépendre d’un pouvoir central, comme les armées, les tribunaux, la religion et tout ce qui est soumis à contrôle.
    Je lui demandai comment elle envisageait de diriger le commerce si je lui en donnais la possibilité.
    —  Mais, dit-elle, c’est très simple. J’accorderais des monopoles.
    —  C’est ce qu’a fait Caligula, répliquai-je, avec pour conséquence une hausse catastrophique des prix.
    —  Il a vendu les monopoles au plus offrant, d’où bien entendu cette montée des prix. Moi, je m’y prendrais autrement. Et mes monopoles n’auraient pas l’importance de ceux de Caligula. Il a vendu à un commerçant les droits mondiaux du négoce des figues   ! Je calculerais simplement la demande sur une année normale pour un produit donné, ensuite j’attribuerais ce négoce à une ou plusieurs firmes pour une durée de deux ans. J’assignerais, par exemple, le droit exclusif d’importer et de vendre les vins de Syrie à tel ou tel, le verre égyptien à tel ou tel autre   ; l’ambre de la Baltique, la pourpre de Tyr et l’émail breton reviendraient à d’autres entreprises. En dirigeant ainsi le commerce extérieur, on élimine la concurrence, les fabricants étrangers et les marchands de matières premières sont dans l’impossibilité d’augmenter leurs tarifs   ; «   c’est à prendre ou à laisser   », dit le commerçant en fixant le prix lui-même. Celui dont l’entreprise n’est pas suffisamment importante pour obtenir un monopole, soit passe des accords avec ceux qui détiennent les monopoles, si leurs affaires sont trop importantes pour eux seuls, soit cherche d’autres débouchés au plan de l’industrie ou du commerce. Si j’avais le champ libre, tout serait conçu d’une façon méthodique, nous serions bien approvisionnés et l’État toucherait des droits de port plus importants qu’avant.
    Je reconnus que ce plan me paraissait tout à fait sensé   ; il aurait pour effet bénéfique de permettre à nombre de marchands et de bateaux de se libérer pour assurer le transport du blé. Je lui donnai aussitôt plein pouvoir pour délivrer de nombreux monopoles, sans me douter un seul instant que cette fine mouche ne m’avait circonvenu qu’alléchée par la perspective des énormes pots-de-vin qu’elle allait recevoir des marchands. Six mois plus tard, la suppression de la concurrence due à la monopolisation du commerce, comprenant aussi bien les produits de première nécessité que les produits de luxe, avait fait monter les prix à un niveau presque ridicule –  les commerçants récupéraient sur le dos du consommateur
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