Bücher online kostenlos Kostenlos Online Lesen
Chronique d'un chateau hante

Chronique d'un chateau hante

Titel: Chronique d'un chateau hante
Autoren: Pierre Magnan
Vom Netzwerk:
de Beaumugnes, le Miette-Fume de Malijai, le Ricandance de
Montjustin, le Polycarpe Trancheton de Sainte-Tulle. Ce sont tous des compagnons
du Tour de France et pour le travail minutieux, à eux le pompon, et en plus ça
va les intéresser eux aussi.
    — Alors
je peux compter sur toi ?
    — Oui
mais attention ! Il faudra que tu les payes ! Parce qu’ils vont
perdre leurs journées.
    — Je
les payerai ce qu’ils voudront ! dis-je précipitamment.
    Le Paul
fit silence.
    — On
mettra ça sur papier, dit-il calmement.
    Il
connaissait ma légendaire parcimonie. C’était le seul homme au monde qui
n’avait jamais cru à mes bons sentiments, jusqu’à m’en faire douter et qui
m’aimait quand même.
    — Tiens,
dit-il.
    Il
arracha une page au carnet crasseux qu’il avait extrait de sa poche.
    — Je t’ai fait une liste, parce que ceux-là ce sont tous de bons
hommes. Ils ont fait leur Tour de France et ils savent travailler et se taire.
Et ça les intéressera tous, ton chantier. Je vais aller les voir. Ils
viendront.
     
    Ils
arrivèrent en même temps un matin dans les roulements des chaînes de camion et
aussi du charroi des attelages car ils n’étaient pas tous motorisés. Ils
s’assemblèrent autour du tertre. Ils firent le tour de l’arbre abattu avec des
murmures admiratifs et aussi de douleur, tant il leur semblait que ce chêne
pouvait vivre encore quelques siècles et tant ils le plaignaient d’être mort.
Mais ils ne s’attardèrent pas. À neuf heures, ils étaient tous au travail, avec
des pelles, des pioches, des aïssades, des tamis. Ils me levèrent le chapeau en
me voyant. Je le leur interdis désormais et leur dis que je n’étais pas plus
qu’eux et qu’ils aillent boire le café avant de travailler, que Rosemonde le
leur avait préparé chez mon… (Je faillis dire intendant, je rectifiai : je
leur dis « mon gardien »), j’étais plein de respect pour eux et de
reconnaissance de s’être détournés ainsi de leur travail ordinaire pour venir
ici courir après l’inutile. Je leur versai un mois d’avance, en louis d’or.
Tempier n’en croyait pas ses yeux.
    — Tu
aimes ta femme à ce point ? me dit-il.
    Je fis
signe que oui.
    Ils
avaient en commun des encolures de taureau. On voyait, par leur stature, qu’ils
exerçaient leur métier de père en fils depuis des générations, sans autre
ambition que de se succéder et de se perfectionner. Sans cette identité de
noblesse qui les faisait frères, ils étaient disparates au possible.
    Les uns
s’enjolivaient par des moustaches conquérantes, les autres étaient glabres ou
barbus. Il y avait un géant et un nain. Le géant amena sa femme. C’était elle
qui pensait, qui réfléchissait, qui le tenait debout. C’était un forgeron à
deux têtes. L’une qui écoutait les directives de Tempier pour les transmettre
fidèlement à l’autre qui exécutait avec ses muscles, docilement et avec un
biais particulier, une minutie dans la perfection qui tenait du miracle.
    Le nain
était noueux et plein de ressources. Il utilisait au mieux sa petite taille et
son corps en équerre. Il œuvrait en silence et joyeusement, regardant le
travail par en dessous avant de l’exécuter.
    J’avais
une fois ou l’autre par mon baume soulagé les douleurs professionnelles de ces
braves et ils m’en savaient gré.
    Dès le
premier jour, ils voulurent tout de suite dégager le premier quadrige. Ce fut
long et difficile pour ne pas déranger les décombres alentour où étaient
disséminés les débris légers de l’ouvrage. J’entendais leurs halètements
pendant qu’ils essayaient de se faire le plus aériens possibles afin de ne pas
provoquer d’ébranlement du sol.
    Ils
étaient autour de ce bloc de bronze le respirant, le mouillant de leur sueur.
Il y eut une sorte de soupir quand le quadrige sous les efforts des hommes
échappa à sa gangue de terre. Il ne tenait pas debout sur son socle, une racine
secondaire s’était refermée comme une ventouse autour du bronze et une roue
mobile du chariot transformée en un bloc de rouille adhérait au socle par son
moyeu. Les compagnons allèrent chercher des bouteilles d’oxygène et des
chalumeaux dans leurs camions. Ils chaussèrent leurs lunettes noires. Bientôt
le rougeoiement de l’oxygène fusa dans les becs. Il fallut plusieurs heures de
patiente chauffe pour parvenir à séparer la roue du socle. Avec des ciseaux à
froid on dégagea aussi la gangue de poudingue
Vom Netzwerk:

Weitere Kostenlose Bücher