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Chasse au loup

Chasse au loup

Titel: Chasse au loup
Autoren: Armand Cabasson
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pensait ce qu’il disait. La guerre le changeait en monstre.
    — Si tu t’adressais à nos soldats pour les encourager ? lui proposa Margont pour détourner son attention.
    Saber ne demandait pas mieux. Il lança sa dixième harangue de la journée, évoquant l’héroïsme et la perspective de promotion. Puis il s’écria :
    — Notre seule limite, c’est nous-mêmes !
    Margont, qui écoutait à peine, fixa soudain son ami.
    Mais Saber n’en dit pas plus et conclut. Tous ses discours se terminaient de la même façon.
    — Que dit de nous l’Empereur ? s’époumona-t-il.
    Comme à chaque fois, des dizaines d’hommes lui répondirent en coeur :
    — « Brave 18 e , je vous connais : l’ennemi ne tiendra pas devant vous. »
    Cette phrase, sans cesse répétée, les envoûtait comme un sortilège.
    Le village d’Essling était le point le plus avancé de la marche autrichienne sur les arrières français. Il constituait la position clé de l’affrontement entre Masséna et Klenau. Le 26 e léger et le 18 e de ligne se mirent en mouvement au son des roulements de tambours.
    — En avant ! En avant ! criaient les officiers.
    Les soldats progressaient serrés les uns contre les autres, si bien que ceux qui voulaient s’enfuir étaient coincés à leur place. Le village d’Essling s’animait, comme si les myriades d’Autrichiens qui l’avaient investi lui avaient insufflé la vie. Il dégageait des volutes et des volutes de fumée blanche tandis que ses pièces d’artillerie et ses ribambelles de fusiliers s’activaient avec rage. On aurait dit un volcan en éruption. Et, en même temps, il explosait de tous côtés, écrasé par la fureur des tirs de l’artillerie lourde de l’île de Lobau. Des bâtisses volaient en éclats, mais leurs gravats fumants se tapissaient aussitôt de nouveaux défenseurs. Cet acharnement impressionnait les Français. On ne reconnaissait plus là les Autrichiens d’Austerlitz, qui avaient rapidement jeté bas les armes sous la pression. Margont ne comprenait pas leur résistance, il voulait leur crier de s’allier avec eux contre les monarchies qui les opprimaient. Mais les balles autrichiennes répondaient à ses rêves de fraternité en écumant ses rangs. Les tambours battirent la charge, l’un des rares bruits audibles dans le vacarme ambiant.
    — Vive l’Empereur ! hurlèrent les fantassins.
    Le 26 e léger et le 18 e de ligne déferlèrent sur le village et ses redoutes. Le sabre brandi, Saber accéléra pour doubler Margont et entraîna la compagnie dans un choc frontal avec les Autrichiens qui barraient la rue principale. Les deux camps se fusillèrent à bout portant avant de se jeter l’un sur l’autre. La fumée noyait tout. Margont suffoquait dans ce brouillard et ne reconnaissait personne dans ce grouillement de silhouettes gesticulantes. Les lueurs des coups de feu se succédaient, évoquant des feux follets aux déplacements chaotiques. Des soldats tiraient si près de Margont qu’il sentait sur son visage le souffle brûlant des fusils. Des ombres fantomatiques se précipitaient sur lui. Elles se concrétisèrent, s’incarnèrent en soldats ennemis. Un Hongrois tenta de lui expédier sa crosse dans le visage. Margont esquiva, mais, gêné par les soldats qui l’entouraient, il ne put se défendre qu’en assenant un coup de la poignée de son épée au menton de son assaillant. De douleur, celui-ci lâcha son arme. Le flot des Français le renversa et le piétina vivant. Un hussard démonté se rua sur Margont. C’était l’un des cavaliers de Wallmoden. Blessé de toutes parts, il saignait en cascade, le regard fou, le sabre tordu à force d’avoir brisé les crânes des artilleurs de Boudet. Il essaya de décapiter Margont au cri de : « Autriche ! », mais Margont fléchit les jambes juste à temps. « Sauvons notre chef de bataillon ! » vociféra un conscrit qui confondait Margont avec son officier supérieur. Le jeune soldat perfora l’abdomen du hussard à la baïonnette tandis que ce dernier l’embrochait avec sa lame. Des sapeurs du 18 e enfonçaient les portes à la hache et les Français s’engouffraient dans ces maisons-bastions. Margont fut emporté par l’un de ces courants ; ceux qui le suivaient avaient la folie de croire qu’ils trouveraient là un abri. Des fantassins se fusillaient dans une salle à manger et s’achevaient à la baïonnette. Dans un coin de la pièce, deux Hongrois retranchés
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