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Cathares

Cathares

Titel: Cathares
Autoren: Patrick Weber
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l’intéressait-elle ? L’interrogation entraînait d’autres considérations, autrement plus ambitieuses. Il l’avait remarquée dès son premier jour au collège. Assez petite, avec ses cheveux noirs ramenés en un chignon beaucoup trop strict pour son âge. Mais il avait remarqué ses yeux et leur joli vert. Il se rappelait même que la couleur lui avait fait penser à celle de la cape du duc Guillaume dans la tapisserie de Bayeux. La comparaison était assez ridicule pour ne pas être utilisée dans une tentative de séduction. Mais Le Bihan avait l’habitude de vivre entre plusieurs époques. L’horizon du présent ne lui avait jamais suffi. Il considérait que seul le passé lui offrait suffisamment de possibilités de rêver, de s’évader et, luxe suprême, d’avoir le sentiment de maîtriser les éléments. Sa formation d’historien et d’historien de l’art l’avait profondément marqué au point de le transformer, parfois, en archéologue de ses propres passions et de ses envies enfouies au plus profond de lui-même. Quand il souriait à Édith, il observait une Vierge romane du douzième siècle. Il détaillait ses yeux qui dessinaient d’élégantes amandes sur son visage et, fort de cette observation minutieuse, il estimait qu’une jeune femme si agréable à l’oeil méritait à coup sûr une étude plus approfondie.
    — Pierre ! Je sais que tu es là ! Ouvre ! Cette comédie a assez duré !
    Mais les Vierges romanes tambourinaient rarement aux portes. Elles se contentaient de sourire au fond des nefs des églises sombres et recueillaient en silence les prières des fidèles venus leur confier leur détresse. Il devait avoir l’honnêteté de le reconnaître : Le Bihan avait tout fait pour la séduire. Il avait commencé par lui donner de précieux conseils pour ne pas tomber dans les pièges du collège. Il l’avait mise en garde contre les humeurs changeantes de l’acariâtre Madame Rosier, la professeure de français. Il lui avait enseigné l’art subtil de prendre le proviseur dans le sens du poil pour ne pas encourir ses sempiternelles leçons sur la nécessité d’appliquer une discipline sans faille à cette bande de jeunes chiots écervelés qui préféraient Ma P’tite Folie de Line Renaud aux vers éternels de Corneille. Édith avait patiemment écouté ses bons conseils. Son application était telle qu’elle était allée jusqu’à accepter l’invitation à dîner de son collègue un soir au restaurant. Le Bihan avait prétexté son envie de partager son excellente connaissance de Rouen avec une jeune Parisienne qui ne connaissait de la Normandie que le cidre fermier et le beurre salé. Le Bihan avait passé une excellente soirée. Il avait beaucoup parlé, évoquant à la fois ce pays qu’il aimait, sa passion pour l’histoire et ses frustrations d’enseignant. Il avait réussi à ne pas esquisser l’ombre de l’absente. Jamais le doux prénom de Joséphine n’était venu éclore à la lisière de ses lèvres. De son côté, Édith l’avait écouté avec une attention qui semblait sincère. À la fin du repas, la main de Le Bihan avait été jusqu’à effleurer la joue de la jeune femme. Celle-ci ne s’était pas retirée. Sous sa peau, les doigts de l’historien avaient même cru percevoir un léger tressaillement. La preuve était faite qu’Édith n’était pas insensible. Les jours suivants, la jeune femme se fit moins farouche, plus complice. Ils se retrouvaient régulièrement dans la salle des professeurs et partageaient des clins d’oeil qui échappaient à leurs collègues. Le Bihan comprit que la partie était gagnée, il ne restait plus qu’à lui donner l’adresse de son domicile avec la tapisserie refaite du salon. Et à attendre. Mais le jeu présente-t-il encore le moindre intérêt quand la partie est sur le point d’être gagnée ?
    — Tu es un malade, Pierre ! Si tu te comportes comme cela avec toutes les filles, je comprends que tu ne sois pas heureux. J’en ai assez ! N’essaie plus de m’adresser la parole ! Plus jamais !
    Le Bihan ne répondit pas. Il écouta les pas d’Édith qui descendaient les escaliers. Il perçut d’abord nettement le choc des talons sur les marches de bois et même le cliquetis caractéristique qui survient lorsque le bout de la chaussure heurte la lamelle de métal vissée à l’extrémité de la marche. Bientôt, les pas se firent plus lointains. Ils parvinrent à la dernière marche,
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