Carnac ou l'énigme de l'Atlantide
mais dans les territoires dans
lesquels ils se sont installés, des hommes venus des mers sont arrivés à
leur tour et se sont mêlés à eux. Ces hommes venus de la mer apportaient avec
eux le culte des Dioscures que ne connaissaient ou ne pratiquaient pas
les Celtes. Ces constatations se trouvent dans des documents historiques, et
elles ne sont pas niables, à moins de rejeter en bloc tout ce que les auteurs
grecs et latins nous ont dit – parfois avec beaucoup de confusion – sur les
peuples de l’extrême Occident avec lesquels ils nouaient des rapports plus ou
moins suivis.
Quant au druidisme, bien malin serait celui qui pourrait y
voir une survivance de la « sagesse atlantéenne ». D’abord, il faut
avouer que nous connaissons peu de chose sur le druidisme, et l’on en sait
encore moins sur la religion qu’ont pu pratiquer les Atlantes. Cette
assimilation n’est qu’une rêverie. D’ailleurs, les caractéristiques du
druidisme en font nécessairement une religion indo-européenne – avec la
fameuse tripartition fonctionnelle et l’organisation de la classe sacerdotale
–, même si les croyances et les usages des populations autochtones converties
au druidisme ont profondément modifié celui-ci en le chargeant d’éléments
nettement hétérogènes de type chamanique.
Ce qui prête à toutes ces confusions, c’est le fait que les auteurs
de l’Antiquité grecque et romaine, tout en révélant certaines choses au sujet
des Celtes, n’en ont guère compris le sens ni la portée, et que, d’autre part, la
tradition purement celtique véhicule des éléments archaïques qui ne sont pas
celtiques, mais des souvenirs et des réminiscences d’un lointain passé de l’extrême
Occident. Un exemple est significatif : celui de Finn et des Fiana, dont
les aventures sont pourtant racontées dans des récits relativement récents. Le
cycle de Finn est en effet lié à la tradition des grands chasseurs de rennes de
la Préhistoire : si les noms des personnages sont celtiques, si certaines
anecdotes, comme celle de Diarmaid et Grainné, prototype de l’histoire
de Tristan et Yseult, sont chargées d’éléments celtiques, si, dans une certaine
mesure, le compagnonnage des Fiana a servi de modèle à la célèbre Table
Ronde du roi Arthur, les schémas essentiels de ce cycle sont archaïques et
préceltiques. D’où viennent-ils ? C’est alors qu’on peut supposer, avec
toutes les réserves d’usage une tradition héritée des Atlantes. Mais ce n’est
qu’une hypothèse.
Il existe pourtant des faits troublants. Pourquoi cette
hantise des flots déchaînés dans la tradition celtique ? Pourquoi ce rituel
de conjuration contre la mer, dont Aristote se moque quelque peu ? Pourquoi
cette permanence et ces constantes résurgences du mythe de la ville d’Is ?
On découvre d’étranges sous-entendus dans un poème gallois
attribué à Taliesin. La référence est imprécise, le texte probablement tronqué
ou altéré, mais on peut comprendre que le roi-magicien Math, fils de Mathonwy, qui
est de Gwynedd, « avait libéré les éléments » à l’aide de sa
célèbre baguette de magie que d’autres textes lui reconnaissent comme attribut.
Alors, « la tempête se déchaîna pendant quatre nuits en pleine belle
saison. Les hommes tombaient, les bois n’étaient même plus un abri contre les
vents du large ». Mais le magicien Gwyddyon – neveu de Math, duquel il
tient sa connaissance de la magie –, lui aussi héros
de l’épopée mythologique de Gwynedd, personnage énigmatique qui incarne assez
bien le druidisme – ou l’idée qu’on se fait du druidisme – au même titre que l’enchanteur
Merlin dont il a certaines caractéristiques, tient conseil avec son frère
Amaethon afin de parer au désastre. Amaethon, le « laboureur », est
fils de Dôn, comme son frère, Dôn étant la sœur de Math et l’image de la
déesse-mère (la Dana irlandaise). Tous deux firent « un bouclier d’une
telle puissance que la mer ne put engloutir les meilleures troupes [47] ».
Ce texte est riche en significations. Tout y est : le
pouvoir druidique sur les éléments, le vent druidique, la parade druidique
opérée par Gwyddyon, car le bouclier est évidemment symbolique et témoigne de
rituels incantatoires pour s’opposer à la tempête, l’antagonisme entre l’oncle
maternel (Math) et son neveu – qui est, selon la coutume celtique, son héritier
et successeur –, le
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