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Camarades de front

Camarades de front

Titel: Camarades de front
Autoren: Sven Hassel
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compte que vers le huitième verre. – Il rit et donna à la fille le neuvième.
    Celle-ci se déshabilla dans une des petites niches. Son linge était noir comme la nuit et transparent ; seules ses culottes étaient rouges, rouge corail. Mais il n’y eut que Stein et Ewald pour les voir.
     

TANTE DORA
     
    NOUS passions notre vie au « Vindstyrke U », derrière la gare. Tante Dora, la tenancière de ce bistrot de luxe, était une femme dure et laide pour qui rien ne comptait que l’argent. Nous, les fiancés de la mort, nous ne pouvions que l’approuver : avec l’argent on obtient tout. « Avec l’argent on peut s’acheter une vie éternelle près d’Allah, dans les vallons bleus », dit le légionnaire en courbant le front vers le sud-est.
    – Avec de l’argent on peut venir chez Tante Dora, dis-je en lui envoyant un baiser du bout des doigts.
    Nous avions beaucoup d’argent et le marché noir de Hambourg était le plus achalandé du -monde. On pouvait tout y acheter, même un cadavre.
    Chez Tante Dora, la lumière était rouge, tamisée, et cm dansait, bien que ce fût interdit et que la police fît souvent son apparition. Mais notre hôtesse était un diable en jupons et les mouchards ne voyaient jamais rien. La fiche de l’établissement portait : « Local spécial sans intérêt politique », mais il n’y avait pas de lieu où se passassent plus de choses interdites qu’au « Vindstyrke U ».
    Il y venait des dames en quête d’expériences prohibées et qui hésitaient, tout émues, à franchir le seuil, ou bien des gens qui s’enivraient avant de se faire trancher la gorge par quelque main mystérieuse. On retrouvait ensuite leur cadavre dans l’Elbe et la douane l’entreposait près de Langenbrücke.
    Une fille, la robe aux genoux, demanda au légionnaire si l’on dansait. Il ne lui octroya pas un regard.
    – On danse, petit ? insista la fille en examinant curieusement la gueule brutale que la longue cicatrice zébrait d’un rouge vif.
    – Au diable, fille de putain ! gronda le légionnaire.
    La fille se récria, furieuse. Un jeune type s’avança derrière le siège du légionnaire et ses mains se portèrent vers la gorge du soldat, mais au même instant un coup de pied dans l’entrejambe et un autre sur la pomme d’Adam l’étendirent à terre. Le légionnaire s’était rassis et demandait une autre vodka. La Tante Dora fit un signe au portier, un grand Belge, qui souleva la forme inanimée et la jeta derrière une porte où d’autres se chargèrent d’un transport vers un endroit éloigné. La fille reçut la fessée dans une petite pièce attenant à la cuisine. Elle ne cria pas, à moitié étouffée qu’elle était sous un oreiller de plumes sales qui avait assourdi bien d’autres cris. Ce fut un ex-souteneur qui se chargea de la punition avec un court fouet cosaque acquis jadis auprès d’un S. S. Le S. S. en avait deux : l’un fut acheté par Ewald, le bourreau de Dora, l’autre par un agent de la criminelle qui estima que c’était un bon outil pour les aveux.
    En effet, le fouet lui valut de l’avancement parce que dans une dictature il faut du rendement. Le S. S. fut pris près de Shitomir et pendu à un peuplier au-dessus d’un petit feu. Il n’avoua pas grand-chose car les gens du G. P. U. avaient un peu trop tendu le peuplier. Il ne demanda que vingt minutes pour mourir.
    Ewald fouetta la fille deux fois, puis coucha avec elle, comme c’était l’usage. Le soir suivant on revit la fille chez Tante Dora, touchant comme à l’ordinaire trente-cinq pour cent de ce qu’elle gagnait, mais elle ne demanda plus jamais au légionnaire de danser.
    Deux dames bien habillées vinrent un jour s’asseoir à côté du légionnaire. Ce n’étaient pas des filles ; l’une d’elles jeta un coup d’œil sur notre camarade et croisa haut les jambes ; on devina un jupon blanc empesé, des dessous parfumés. Les deux daines buvaient du champagne, le meilleur, avaient-elles commandé. Le légionnaire alluma une autre cigarette à son éternel mégot et loucha vers le champagne : – Chateauneuf ? Est-ce vraiment le meilleur ?
    Les deux dames firent celles qui n’entendaient pas. Il gloussa et se pencha vers la brune que son amie appelait Lisa ; l’autre se nommait Gisèle.
    – Voulez-vous jouer avec moi pour cent marks ?
    La dame ne répondit pas, mais rougit, et le légionnaire rit de plus belle. Tante Dora qui suivait le manège dans une
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