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Au pied de l'oubli

Au pied de l'oubli

Titel: Au pied de l'oubli
Autoren: Anne Tremblay
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assez bonne. Il était joliment façonné à l’image d’un bijou. Il l’avait
     choisi avec soin. Avec humeur, Julianna s’était dirigée vers le réfrigérateur et
     avait sorti quelquesingrédients. Comment se fait-il qu’il n’ait
     pas pensé à l’inviter au restaurant ? L’occasion justifiait la dépense. Ils
     avaient soupé dans la cuisine, en tête à tête. C’était le premier été que le
     couple se retrouvait sans enfants à la maison. Tous devenus des adultes, ils
     étaient éparpillés un peu partout, là où un travail les avait attirés. Même le
     petit dernier, qui avait atteint sa majorité voilà à peine trois semaines,
     n’avait eu rien de plus pressé que de faire son baluchon, y enfournant ses vingt
     et un ans, quelques dollars et le diplôme de son cours classique. Maintenant,
     seul le tic-tac de l’horloge résonnait pendant le repas. Malgré que le menu
     n’ait rien eu d’extraordinaire, se résumant à une omelette et des patates
     rôties, François-Xavier avait eu la présence d’esprit de remercier sa
     femme.
    — C’est un bon petit souper ça.
    Un coup d’épée dans l’eau...
    Julianna était restée boudeuse. Toute la semaine, son épouse avait affiché
     cette attitude. Depuis leur querelle de lundi dernier... François-Xavier avait
     soupiré et s’était concentré sur son dessert, une pointe de tarte aux fraises.
     Sa femme s’était décidée à entamer la conversation. D’un ton glacial, teinté
     d’indifférence, elle lui avait rappelé :
    — Demain, Henry et Isabelle nous attendent à leur chalet.
    — J’espère que cet été, on passera pas notre temps à monter là, avait-il
     répliqué. C’est une bonne trotte.
    — Commence pas. Ça fait une semaine que tu as promis d’abattre le vieux
     bouleau.
    — C’est toujours ben pas de ma faute s’il pleuvait trop dimanche dernier.
     Pendant ma seule journée de congé, il me semble que j’aurais le droit de
     m’étirer les pieds ici dedans.
    Avec une moue de dédain, elle avait rétorqué :
    — Comme s’il y avait quelque chose de drôle à étouffer dans ce
     minable logement. On ne lèvera pas le nez sur un après-midi au bord de l’eau !
     On est chanceux qu’Henry possède un chalet. Pis je dois lui parler de mon grand
     projet, avait-elle ajouté en retrouvant un peu de joie.
    — Je commence à en avoir assez de tes secrets, avait-il marmonné, agacé.
    Sa femme refusait de divulguer la teneur de cette idée supposément géniale
     qu’elle se vantait d’avoir eue.
    — J’attends qu’Henry me donne son accord. Quand je pense qu’il a gagné ses
     élections... Un député dans notre famille !
    — On a pas de parenté avec Henry.
    — C’est tout comme, avait-elle décrété en se levant afin de débarrasser la
     table.
    Julianna avait expédié la corvée de vaisselle. Les couverts tintaient
     rageusement entre eux. Soudain, elle avait annoncé à son mari qu’elle allait au
     journal pour régler quelques détails de son courrier du cœur. François-Xavier
     l’avait écoutée expliquer son départ sans essayer de la retenir. Cela arrivait
     régulièrement. Plus que jamais maintenant, il passait ses soirées au salon,
     seul, à regarder la télévision. Julianna avait tenu à en acquérir une, quitte à
     se départir de son piano à queue. Elle n’en jouait presque plus de toute façon,
     avait-elle argué. Il n’y avait pas de place, c’était rendu démodé, si au moins
     ils avaient acheté une maison... Malgré l’enthousiasme que ses voisins
     démontraient pour cette boîte à images, lui, les femmes et hommes en noir et
     blanc qui parlaient pendant de longues minutes l’ennuyaient plus qu’autrement.
     La plupart du temps, Julianna le retrouvait endormi devant Le survenant ou Les belles histoires des pays d’en haut. Ce soir, après que Juliannaeut quitté la maison, il avait refusé l’hospitalité à
     Séraphin Poudrier. Il avait préféré se retirer dans sa chambre et réfléchir.
     Qu’est-ce qu’il avait bien pu faire de travers pour que Julianna le délaisse en
     cette journée d’anniversaire ?
    Il se décida à ouvrir le cahier. Du doigt, il retraça l’arbre généalogique
     qu’il avait soigneusement dessiné, le calquant sur celui qu’il avait déjà vu
     dans un des livres de Julianna. Quand était venu le temps de noter le nom de son
     père et de sa mère, il avait hésité. Devait-il y inscrire ses parents
    
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