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Au pied de l'oubli

Au pied de l'oubli

Titel: Au pied de l'oubli
Autoren: Anne Tremblay
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qui
     consistait à nettoyer les planchers et à subir l’attitude hautaine de son
     patron, ce jeune imbécile de fils à papa qui ne connaissait rien de rien à l’art
     fromager ! Pas surprenant que l’entreprise périclite. François-Xavier acceptait
     son sort, mettant chaque sou qu’il pouvait de côté, caressant le rêve d’ouvrir,
     à nouveau, sa propre fromagerie. Avec toutes ses responsabilités, son bas de
     laine grossissait moins vite qu’il ne l’aurait souhaité. Les études de ses deuxderniers fils, qui après le séminaire avaient décidé de
     poursuivre plus loin encore, Zoel en première année de médecine vétérinaire et
     Adélard bientôt à l’Université de Montréal afin de devenir dentiste, ne
     facilitaient pas les économies. Par chance, ses garçons étaient vaillants.
     Pendant leurs vacances estivales, les deux gagnaient un bon salaire dans une
     usine de Saint-Hyacinthe. Sans parler des noces de Jean-Baptiste l’année
     précédente ! En guise de cadeau, François-Xavier avait insisté pour lui donner
     une importante somme d’argent, pour que le nouveau marié puisse s’établir comme
     il faut. Un autre petit coup de pouce pour son fils Léo, sourd et muet depuis sa
     méningite. Léo se débrouillait bien, travaillant comme aide-cordonnier à
     Jonquière, vivant dans une garçonnière aménagée en haut du magasin. Malgré son
     handicap, Léo pouvait et devait aspirer à son autonomie. Même qu’il économisait
     en vue de convoler à son tour, amoureux fou qu’il était d’une jeune sourde et
     muette. Alors quelquefois, François-Xavier passait par Jonquière, montait à la
     chambrette et glissait un billet de deux dollars sous le cendrier. « Pour tes
     cigarettes et ta liqueur » mimait-il à son fils. Il se faisait un devoir de
     soutenir les bonnes œuvres de sa fille Laura, religieuse en Afrique. Il ne
     laissait pas pour compte les deux qui vivaient à Montréal ! Yvette et Mathieu
     recevaient donc chacun un petit quelque chose... « de la part de votre père... »
     comme ajoutait Julianna à la fin de ses lettres avant de soigneusement plier le
     billet de papier que François-Xavier lui demandait d’insérer dans l’enveloppe.
     De plus, depuis la naissance de son petit-fils Dominique, il envoyait un peu
     d’argent à son aîné installé en Gaspésie. Ah, revoir Pierre… Et s’il changeait
     d’idée et qu’ils l’entreprenaient, ce périple ? De toute façon, quand avait-il
     pu avoir gain de cause surquoi que ce soit pendant ces
     trente-cinq ans de mariage ? Julianna insistait et revenait à la charge. « Je
     veux voir mon petit-fils, c’est à nous d’y aller. Un voyage de noces pour notre
     anniversaire de mariage, c’est pas trop te demander, non ? On est jamais allés
     plus loin que Québec ou Montréal ! C’est pas une vie... »
    François-Xavier ne pouvait admettre la vraie raison de son refus. Patrick
     O’Connor, le vieil Irlandais, était son père naturel. La maison et le bateau
     qu’il avait légués à Pierre portaient le nom de Joséphine en l’honneur de sa
     chère Fifine... sa mère... Malgré le désir d’en connaître un peu plus sur ce
     marin qui l’avait conçu lors de son passage à Chicoutimi, la crainte de ce qu’il
     pouvait trouver en Gaspésie le retenait. Pour réussir à garder un certain
     équilibre dans sa vie, François-Xavier avait préféré compartimenter les
     sentiments contradictoires qu’il ressentait pour ses troublantes origines.
     Commencer sa vie dans un orphelinat, être maltraité par sa mère adoptive, la
     mort d’Ernest dans le puits, cet homme merveilleux qui commençait à peine à être
     heureux, nouvellement remarié avec sa douce Léonie... Dès qu’il s’apitoyait sur
     son sort, il culpabilisait à la pensée de ce que Georges, lui, avait vécu.
     Georges, son ami d’enfance, son voisin sur la Pointe-Taillon, celui qui était
     devenu son beau-frère, celui qui ne lui parlait presque plus depuis des
     années... Soudain, François-Xavier réalisa que le fait de commencer à rédiger
     ses mémoires avait changé quelque chose en lui. Il ne voulait plus évacuer son
     passé, ni l’ignorer. Il était prêt à faire la paix avec ce O’Connor. Ils iraient
     en Gaspésie. Julianna se radoucirait… Mais comment obtenir la permission de son
     patron ?
    — Je peux bien essayer encore de parler à mon boss, murmura-t-il.
    — Dis-lui donc que tout le
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