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Au Pays Des Bayous

Au Pays Des Bayous

Titel: Au Pays Des Bayous
Autoren: Maurice Denuzière
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toilette « garnie de vernis Martin », des estampes, une tapisserie chinoise et « seize nègres et neuf négresses » qui furent saisis comme le mobilier !
    L'instruction, aussitôt commencée, et le procès durèrent deux mois. Foucault, en tant que commissaire ordonnateur, refusa tous les interrogatoires et fit admettre à O'Reilly qu'il ne pouvait être jugé, étant donné sa haute fonction, que par une juridiction française. Le général le laissa donc embarquer pour la France, le 14 octobre 1769, sous la garde d'un officier espagnol qui répondait de sa personne 15 . Un des frères Noyan, celui que l'on nommait Noyan-Bienville, pour le différencier de Jean-Baptiste Payen de Noyan, autre conjuré de 68, échappa lui aussi à la justice espagnole. Il avait pris un bateau pour Saint-Domingue avant l'arrivée de O'Reilly. Ce dernier demanda au marquis de Grimaldi d'exiger de la cour de France des poursuites contre ce neveu de Bienville, mais Noyan ne fut jamais inquiété. Joseph Roué de Villeré, commandant des Allemands, n'eut pas à comparaître. Il résista aux militaires chargés de l'arrêter, obligea ces derniers à faire usage de leurs armes, fut grièvement blessé au cours de l'échauffourée et mourut trois jours plus tard.
    Le 27 octobre 1769, soit un an après avoir contraint M. de Ulloa à quitter la Louisiane, onze Français, accusés de sédition, furent amenés pour une dernière audience devant leurs juges espagnols. Pendant tout le procès, conduit dans le strict respect des lois et de la défense, le siège du procureur du roi avait été occupé par un fonctionnaire du Trésor en poste sous Ulloa. L'accusateur avait donc vécu les péripéties de la révolte et connaissait tous les accusés. Ces derniers entendirent, sans broncher, prononcer les sentences. Six furent condamnés à mort par pendaison : Nicolas Chauvin de La Fresnière, Jean-Baptiste Payen de Noyan, Pierre Caresse, Pierre Marquis, Joseph Milhet et Joseph Roué de Villeré. Comme ce dernier avait déjà cessé de vivre, le président du tribunal déclara solennellement : « Je condamne sa mémoire comme infâme. » Aux six autres prévenus les juges imposèrent des peines de prison : à perpétuité pour Joseph Petit, dix ans pour Balthazar de Mazan, qui avait été le trésorier de la rébellion, dix ans pour l'avocat Julien-Jérôme Doucet, rédacteur du Mémoire des habitants et négociants de la Louisiane , six ans pour Pierre Hardy de Boisblanc, Jean Milhet et Pierre Poupet 16 . Denis Braud, l'imprimeur, fut relaxé après avoir rapporté la preuve qu'il avait imprimé le pamphlet des habitants sur l'ordre de Foucault, commissaire ordonnateur de la colonie.
    On procéda aux exécutions le jour même, à trois heures de l'après-midi, dans la cour de la caserne où était cantonné le régiment de Lisbonne. Personne n'ayant jamais voulu occuper les fonctions de bourreau, la Louisiane ne disposait pas d'exécuteur des hautes œuvres. Dans l'impossibilité de pendre les condamnés, O'Reilly choisit de les fusiller. Noyan, Marquis, Caresse et Milhet ayant revêtu leur uniforme d'officier français, La Fresnière portant la jaquette, les cinq hommes eurent les bras garrottés. Devant tout le régiment formé en carré, ils entendirent une nouvelle fois la sentence qui leur ôtait la vie, lue en espagnol par Rodriguez, le crieur public, puis en français, par le chirurgien Henri Gardat. Au commandement du colonel Liboa, les armes crachèrent deux salves. Quand un officier et le médecin français eurent constaté que les corps étaient « sans mouvement et privés absolument de vie », le général O'Reilly signa le procès-verbal des exécutions. Avec l'économie de termes et l'absence d'émotion propres au personnage, il conclut, par un bref communiqué, le triste épisode franco-espagnol : « Ce jugement répare pleinement l'insulte faite à la dignité et à l'autorité du Roi dans cette province, ainsi que le mauvais exemple qui avait été donné aux sujets. »
    Charles-Philippe Aubry, que les amis des victimes de la répression considéraient comme un traître et un délateur, s'embarqua pour la France le 29 novembre, avec cinquante-huit militaires français libérés, sur le Père-de-Famille , un brigantin commandé par M. Jacquelin. Le navire, qui, après une escale à La Corogne, devait gagner Bordeaux, essuya une tempête devant Soulac, avant d'atteindre l'estuaire de la Gironde, et se brisa.
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