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Au Pays Des Bayous

Au Pays Des Bayous

Titel: Au Pays Des Bayous
Autoren: Maurice Denuzière
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le papier titré Arrêt du Conseil , sa date 28 octobre 1768, et l'autre papier titré Mémoire des habitants et négociants de la Louisiane . » Et le nouveau commandant militaire n'ajoutait comme formule de politesse qu'un « Dieu vous ait en Sa garde » à peine rassurant. Aubry s'exécuta et, après avoir raconté par le menu les événements d'octobre 68, sans oublier de faire observer qu'il avait toujours été d'une parfaite loyauté vis-à-vis de M. de Ulloa et prêt à donner sa vie pour défendre le savant et les siens, il livra les noms des chefs du complot, sans en omettre aucun : « Messieurs Mazan, chevalier de Saint-Louis, La Fresnière, procureur général, Marquis, commandant réformé de la compagnie suisse, Noyan, capitaine de cavalerie, Noyan-Bienville, son frère, enseigne de la marine, Villeré, capitaine de milice de la côte des Allemands, tous les plus riches et les plus distingués du pays sont les chefs de cette criminelle entreprise. Quoique M. Foucault, ordonnateur, n'ait pas été placé dans le même rang, je ne peux cependant me dispenser de prononcer qu'il est très coupable. Il a permis qu'on imprimât la requête des habitants, qui est rebelle aux ordres du roi et outrageante à la nation espagnole, et il a permis qu'on imprimât la requête des habitants, qui est rebelle aux ordres du roi et outrageante à la nation espagnole, et il a permis qu'on imprimât le Mémoire des habitants , où il y avait des blasphèmes contre la nation espagnole, que j'ai fait retrancher, et plusieurs calomnies contre M. de Ulloa. C'est chez lui [Foucault] qu'on a travaillé aux lettres qui étaient adressées à Mgr le duc d'Orléans, le Prince de Conti, le Chancelier [Maupeou]. Tandis que je faisais mes efforts pour faire aimer le gouvernement et la nation espagnole, il ne cessait, avec ces messieurs, de mettre en jeu toutes sortes de ressorts pour détruire mon ouvrage et persuader le contraire, donnant à entendre à tout le monde que dans les colonies les gouverneurs d'Espagne étaient des tyrans et le peuple des esclaves. » Aubry, dans sa formule de politesse terminale, reconnaissait O'Reilly comme « le libérateur qui a rétabli le calme et la tranquillité dans la colonie ».
    On a beaucoup reproché, et avec raison, semble-t-il, à Charles-Philippe Aubry cette dénonciation et une obséquiosité qui met le lecteur mal à l'aise. Pour la plupart des historiens, le capitaine s'est clairement déshonoré en livrant ses compatriotes. Toutefois, il est probable qu'il n'a rien appris à O'Reilly, et qu'avant de quitter La Havane le général connaissait les noms et les activités des hommes qui avaient conduit la rébellion. Le mémoire de cent dix-huit pages envoyé par Ulloa à la cour contenait assez d'informations précises pour que la liste des coupables fût complète. Néanmoins, c'est fort de la confirmation des responsabilités de chacun, délivrée par écrit et avec tant de complaisance par celui qui aurait dû être le premier avocat des rebelles, que l'Irlandais allait faire passer la justice de son roi.
    Le 21 août, le soldat de fortune, promu pour huit mois dictateur de la Louisiane, convoqua les comploteurs. Tous se présentèrent, sauf Villeré, qui, se trouvant dans sa plantation de la côte des Allemands, à quarante-cinq kilomètres de La Nouvelle-Orléans, n'avait pas été touché par la convocation. Après avoir signifié à chacun des membres de l'état-major rebelle les chefs d'inculpation qu'il leur imputait, O'Reilly ajouta : « Je souhaite que vous puissiez prouver votre innocence afin que je sois à même de vous rendre les épées que je viens de vous ôter. » La formule ne manquait pas de noblesse, mais elle était vide de sens, celui qui la prononçait, comme ceux qui l'entendaient, sachant déjà à quoi s'en tenir. Il fut précisé aux inculpés qu'en vertu de la loi espagnole leurs femmes et leurs enfants recevraient tous les secours dont ils pourraient avoir besoin, car la confiscation des fortunes et des biens des rebelles devait intervenir sur l'heure. Tandis que les prisonniers étaient conduits les uns à la prison militaire, les autres sur les bateaux espagnols amarrés en face de la place d'Armes, des officiers allèrent faire l'inventaire des biens à saisir. C'est ainsi que nous savons que M. Foucault possédait six fauteuils de canne, deux matelas de laine et crin, neuf couverts d'argent, quatre cents bouteilles de bordeaux, une
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