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Amours, Délices Et Orgues

Amours, Délices Et Orgues

Titel: Amours, Délices Et Orgues
Autoren: Alphonse Allais
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insondable serait de l’exagération. (D’autant plus que le trépas de cette vieille dame m’a valu un agréable surcroît de rentes…) Mais, tu sais, les convenances…
    – Allons, déroge pour une fois et viens avec moi dire bonsoir aux camarades.
    – Je consens, mais cela n’est pas des plus corrects.
    Deux amis seulement se trouvaient réunis.
    On proposa une manille, une petite manille.
    – Oh ! cela, se récria l’endeuillé, impossible !
    – Allons donc, tu nous rases avec les mânes de ta vieille mère Machin ! Tu vas faire une manille avec nous !
    – Une manille muette, alors ?
    – Zut ! une manille aux enchères, comme d’habitude.
    – Je veux bien, mais je vous préviens que je ne pousserai pas. Ce serait indécent.
    – Tu feras comme tu voudras.
    Au bout de quelques parties, nous nous sentions agacés de jouer dans de telles conditions…
    L’homme en deuil continuait à jouer silencieusement, sans prendre part aux enchères, sans formuler la moindre réflexion à propos des coups.
    La décence de ce monsieur nous devenait outrageante.
    – Épatant, remarqua le plus mal élevé de la bande ; c’est ta belle-mère qui est claquée et c’est toi qui fais le mort !
    – C’est bon, messieurs ; pour ne point vous désobliger, je vais prendre une part plus mouvementée à votre jeu.
    Et, en effet, à la partie qui suivait, il renchérit comme un lion !
    – Vingt et un !
    – Vingt-deux !
    – Vingt-trois !
    Etc., etc., etc.
    – Trente-huit !
    – Trente-neuf !
    – Quarante !
    – C’est pour toi !… Atout ?
    – Atout pique.
    Le coup fut désastreux pour notre pauvre ami. Lui qui se targuait de faire quarante points, il en obtint juste dix-sept.
    – Es-tu bête aussi, toi, de mettre ton atout à pique, quand tu n’as dans ton jeu que du cœur et du carreau !
    – Je ne pouvais mettre l’atout ni à carreau ni à cœur.
    – Pourquoi cela ?
    – Je vous rappelle, messieurs, que je suis en deuil.
     
    PÉNIBLE MALENTENDU
    Les petites danseuses causaient en attendant le signal du divertissement :
    – Et toi, Juliette ?
    – Moi, j’ai un vieux, ma chère, un vieux épatant !
    – Ça doit te changer de tes gigolos ?
    – Oh ! oui, et je vous prie de croire qu’il n’était pas trop tôt !
    – Calé ?
    – Nous n’avons pas encore abordé la question, mais je suis bien tranquille : c’est un bonhomme tout ce qu’il y a de plus chic.
    – Qu’est-ce qu’il vend ?
    – Rien ! Il était préfet sous l’Empire.
    – Ça ne le rajeunit pas, ça, surtout si c’était sous le premier Empire.
    – Ah ! dame ! ça n’est plus un potache ; mais quoi ! faut bien qu’on s’amuse à tout âge !
    – Et toi, est-ce que tu t’amuses avec lui ?
    – Je m’amuse… sans m’amuser… C’est un maniaque, ce bonhomme-là, un drôle de maniaque, même !
    – Tu nous dégoûtes, Juliette ; mais raconte-nous tout de même la manie de ton bonhomme.
    – Eh bien ! il n’a qu’une passion, celle de m’arranger les pieds.
    – T’arranger les pieds ?
    – Oui, il s’amène tous les matins, après mon tub : « Et ces jolis petons ? » qu’il me dit. Alors, il sort une petite trousse de sa poche, et le voilà qui s’amuse à me tripoter les patoches avec des petits ciseaux, des petites limes, de la poudre et tout… Les premiers jours, j’avais peur qu’il me fasse mal ; mais non, au contraire, il est très adroit, ce vieux bougre !
    – Faut peu de chose pour l’amuser, dis donc.
    – J’aime autant ça, entre nous.
    – Comment l’as-tu connu ?
    – C’est un soir, à la brasserie, Alfred qui me l’a présenté… Alors, il m’a dit qu’il m’avait vu danser et que j’avais des jolis petits petons, et patati, et patata, et que si je voulais qu’il vienne le lendemain matin, il aimerait bien les voir au naturel…
    – Quoi, tes pieds ?
    – Bien sûr, mes pieds.
    – Il y en a qui les aiment mieux à la Sainte-Menehould.
    – C’est bon pour toi… Alors, pour en revenir à mon vieux, comme il avait vraiment l’air très chic, avec des moustaches cirées, je lui ai donné mon adresse, et voilà huit jours que ça dure. J’attends jusqu’à la fin du mois pour lui causer sérieusement.
    Les petites camarades de Juliette semblaient intéressées au plus haut point, et c’était à qui d’elles raconterait les plus étranges perversions génésiques dont elles avaient été
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