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Aïcha

Aïcha

Titel: Aïcha
Autoren: Marek Halter
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J’étais heureuse qu’il me le propose. À Mekka, j’avais assisté de loin aux leçons que Zayd et Ali donnaient à Fatima. J’en étais un peu jalouse. Mais à Yatrib, Fatima considéra qu’elle en savait assez pour ce qui était de l’écriture et de la lecture. Plutôt que de lire les rouleaux des Anciens, elle préférait manier la nimcha avec Omar pour oublier qu’elle était une fille. L’occasion était belle pour moi de me montrer plus savante que la fille préférée de mon époux, elle qui toujours me regardait de haut.
    Ce n’était qu’une vanité d’enfant. Mes joies, mes peines et mes désirs étaient simples et sans malice. J’ignorai la malfaisance. Je ne connaissais encore rien des masques avec lesquels on recouvre la gratitude et l’affection pour les protéger des esprits sournois.
    Apprendre auprès de Talha était un pur plaisir. Nous passions l’un près de l’autre de longs moments de la journée, au vu et au su de tous. Sans doute la cour résonna-t-elle souvent de nos rires. Sans doute une ou deux fois eus-je envers Talha les gestes d’une enfant heureuse. C’était bien assez pour les femmes à la langue de hyène. Talha le savait, mais la volonté de mon époux et mon plaisir à être son élève lui auraient fait braver tous les djinns du Nefoud.
    Ainsi naquirent des rumeurs malveillantes et puantes, des mensonges éhontés sur l’affection qu’il me portait. Les bouches vicieuses ne se soucient pas du vrai. Elles jetèrent leur haleine pourrie en riant sous les voiles.
    D’abord j’entendis des gloussements et des allusions de servantes sans y prêter garde. Puis je surpris une conversation entre Barrayara et ma mère Omm Roumane. Et Talha devint plus froid, plus sérieux, et même embarrassé de mon plaisir. Finalement, Barrayara se débrouilla pour être toujours près de nous pendant les leçons et les récitations.
    Qu’Allah m’anéantisse si je mens : de tout ce temps, pas une seule fois mon époux ne fronça les sourcils. Plus que tout autre, il savait séparer le vrai du faux, le bien du mal. Jamais il ne montra autre chose que son grand plaisir à mes études et sa gratitude affectueuse envers Talha.
    Hélas, le mal était fait. Il se glissait sous les gestes, sournois et lancinant tel un mal de dents.
     
    Mon père ne le supporta pas. Il insista auprès de Muhammad pour confier à Talha des missions qui l’éloignaient de Yatrib. Mon époux céda, contre son gré, tout en promettant à Talha de le reprendre près de lui au plus vite. Mais on annonça l’existence de la grande caravane des Mekkois alors que Talha se trouvait loin à l’est. Il lui fut impossible d’être à Badr aux côtés de l’Envoyé de Dieu à l’instant du danger. Il en fut mortifié pour longtemps, et c’était la pire injustice que l’on pouvait lui infliger.
    Car jamais, devant Dieu, Talha ibn Ubayd Allah n’eut le moindre désir ou geste impur envers Aïcha bint Abi Bakr, l’épouse très aimée du Choisi d’Allah. Que le Seigneur des mondes qui sait tout et voit tout m’anéantisse si je mens !
    La vérité est que son affection, sa fidélité et son dévouement allaient pareillement à Muhammad le Messager et à son épouse. L’un comme l’autre n’étaient que l’incarnation de son amour pour Allah. Au contraire de beaucoup, et comme on le verra plus tard, jamais il ne voulut réduire mon rôle ni faire taire mon intelligence. Ni la parole ni la beauté des femmes ne l’effrayaient. Il ne fut pas de ceux, si nombreux, qui s’obstinaient à nous rabaisser. Il le prouva par son sacrifice dans la poussière de Bassora. Béni soit-il dans tous les temps ! Que son nom demeure en haut du ciel sur les sièges du paradis et que les bouches malfaisantes brûlent en enfer !
    Aujourd’hui encore, tandis que j’écris ces lignes alors que Dieu bientôt dira le bon et le mauvais de moi, la liste immense des bontés et des bienfaits de Talha ibn Ubayd Allah me noue la gorge de reconnaissance. Il me faut poser le calame pour sécher mes yeux.

4.
    Donc, ce soir-là, Talha s’accroupit devant moi, la fierté brillant sur ses traits malgré les mauvaises nouvelles. C’en était fini de notre séparation. Mon époux l’envoyait près de moi à la vue de tous, balayant ainsi les suspicions et les vilenies. Les bouches fielleuses pouvaient grimacer… Muhammad le Messager commençait sa lutte contre les hypocrites.
    Mon plaisir à retrouver Talha dut se voir tout
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