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Aïcha

Aïcha

Titel: Aïcha
Autoren: Marek Halter
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comparaison avec la charge que supportait le Messager. Il n’empêche. Une faute d’Aïcha bint Abi Bakr, épouse de l’Envoyé de Dieu, ne pouvait être qu’une souillure étalée à la face des Croyants.
    Dans mon innocence, dans mon ignorance, aveuglée par le plaisir de mon jeune corps, cette faute, je l’avais déjà commise.
    Que devais-je accomplir ? Comment trouver la juste voie de la réparation avant que mon mensonge ne soit découvert ?
    Ma mère désormais allait être attentive. Elle surveillerait mes linges et mon ventre. Barrayara ne pourrait pas la tromper longtemps.
    Les pensées les plus folles me harcelèrent. J’avais entendu parler de remèdes que prenaient les épouses infertiles pour devenir mères. Mais les femmes n’en parlaient qu’avec effroi. Souvent, disaient-elles, ces mixtures violentes les vidaient de leur vie comme des outres percées.
    Jamais Barrayara n’accepterait de me trouver pareille potion. La chercher moi-même, c’était me livrer aux bavardages malfaisants. Autant avouer devant tout Yatrib qu’Allah n’avait toujours pas fait descendre le sang des femmes chez l’épouse du Messager.
    Que me restait-il à faire, sinon révéler la vérité à mon époux ? N’était-il pas assez bon, assez aimant pour adoucir sa colère ? Ne comprendrait-il pas combien sa beauté et sa persuasion avaient embrasé ma jeunesse au-delà de toute raison ?
    S’il en était un qui pouvait appeler la clémence d’Allah sur moi, c’était lui. Le voudrait-il ?
    Il se pouvait qu’il juge la souillure trop grande. Pourtant je n’avais pas le choix.
    Me taire deviendrait bientôt impossible. Le tourment me rendait déjà insensible aux caresses de mon bien-aimé. Allah ne me montrait-il pas ainsi la juste voie ?
    Dès qu’il ouvrirait les yeux, mon époux devrait apprendre la vérité.
    En silence, agrippée à son corps ensommeillé et bienfaisant, je priai et luttai contre les larmes, jusqu’à l’aube.
    Puis Allah, comme souvent, décida qu’il en irait tout autrement.
    Le jour blanchissait à peine. L’ombre de la nuit remplissait encore la chambre. Un brutal tumulte s’éleva dans la cour. Des appels, des vociférations. Un vacarme qui franchit sans peine la portière. Muhammad se réveilla. Il se dénoua de moi, fut debout avant que je ne puisse le retenir d’une caresse. Je ne m’étais pas encore habituée à ses réveils si vifs. Aussitôt les yeux ouverts, il affrontait le jour.
    Moi qui depuis des heures ressassais ce moment, les mots que je devais prononcer, le visage que je devais montrer, je ne réussis qu’à bredouiller son nom. Je m’assis, tout engourdie, alors que déjà il enfilait son manteau et se précipitait sur le seuil.
    Il esquissa un geste de la main en guise d’au revoir avant de laisser retomber la portière derrière lui. On aurait cru que sa paume caressait l’air pour le pousser jusqu’à mon corps. La tendresse de son regard me serra la gorge. Dehors, les exclamations redoublèrent. On l’avait aperçu. On l’appelait.
    Je demeurai un moment hébétée par la tiédeur laissée par Muhammad, nauséeuse de mon insomnie et des parfums de la nuit. Les mots me vinrent sans que ma pensée ne les contrôle. Les yeux grands ouverts, je murmurai :
    — Allah… Allah… Allah… Ô Tout-Puissant, Miséricordieux Seigneur des mondes, où est ma voie ?
    Comme si c’était là la réponse, les cris à l’extérieur se firent plus aigus, plus violents. Une dispute. Je me levai enfin, enfilai une tunique décente avant de sortir.
    Sous le grand tamaris, ils étaient une quinzaine à parler et à s’énerver. Je reconnus Zayd, le fils de Kalb adopté par mon époux, Talha ibn Ubayd Allah, le jeune et fidèle cousin de mon père, et aussi Tamîn al Dârî, ‘Othmân et Abu Hamza, l’oncle de Muhammad. Entre eux, des Ansars gesticulaient et s’exclamaient avec tant de véhémence sous le regard de l’Envoyé que leurs propos étaient confus. Ils répétaient le nom d’une femme, Açma bint Marwân, et le faisaient suivre d’un chapelet d’insultes.
    Devant les cuisines, les servantes attroupées jetaient des regards inquiets vers le tamaris. Barrayara, ma mère et les autres femmes de la maisonnée se serraient devant leurs chambres. Barrayara ne me fit pas même un signe. Toutes fixaient le Messager.
    Muhammad tendit la main vers Abu Bakr. Les traits déformés par la rage, mon père hésita, secoua la tête, déposa enfin un
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