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1914 - Une guerre par accident

1914 - Une guerre par accident

Titel: 1914 - Une guerre par accident
Autoren: Georges Ayache
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armées de l’Empire, il avait supervisé les
manœuvres des XV e et XVI e  corps. C’était l’objet de
cet ultime voyage officiel avant l’été.
    La visite avait été programmée de longue date. Depuis plus
de trois mois, les notables locaux s’étaient démenés afin que le couple
archiducal reçoive le meilleur accueil possible. Rien n’avait été laissé au
hasard. Les rues avaient été nettoyées de fond en comble. La petite gare
ferroviaire avait été rafraîchie. Vieille bâtisse de style mauresque, l’Hôtel
Bosna avait été entièrement réaménagé pour être digne d’une halte princière.
    François-Ferdinand était allé saluer par courtoisie les
autorités administratives d’Ilidza tandis que Sophie effectuait la tournée
rituelle des orphelinats et des hôpitaux.
    C’était un dimanche. D’une piété catholique ardente comme
l’étaient tous les Habsbourg, le couple communia dans un petit salon de l’hôtel
transformé en chapelle. Puis il prit le train pour Sarajevo.
    Indifférent aux regards, l’archiduc serrait tendrement la
main de son épouse. Il n’avait pas oublié. Ce jour marquait également le
quatorzième anniversaire de leur union. Et quelle union ! L’empereur
François-Joseph avait tout tenté pour empêcher le mariage de son neveu avec une
simple dame d’honneur à la cour de Vienne. Il avait appelé à la rescousse les
autres grands souverains européens, de Guillaume II à Nicolas II,
pour faire entendre raison à son obstiné de neveu. Le pape Léon XIII était
intervenu en personne. Rien n’y avait fait.
    Tenant tête à tout le monde, François-Ferdinand avait fini
par convoler avec Sophie Chotek, l’élue de son cœur. On lui avait néanmoins
imposé un mariage morganatique. Cela signifiait que « la Chotek » –
ainsi la désignaient perfidement les courtisans dès qu’elle avait tourné les
talons – ne deviendrait jamais impératrice ni même archiduchesse. Ses
enfants, eux, ne régneraient pas sur l’Empire à la mort de leur père.
    Le scandale de la mésalliance pesait encore sur le couple,
dans les moindres détails d’une étiquette viennoise particulièrement
vétilleuse. François-Ferdinand avait à cœur que son épouse se tienne auprès de
lui en Bosnie, en ce jour anniversaire. Il le lui avait promis :
    — Pour une fois, tous les honneurs te seront enfin
publiquement rendus [1] .
    Sur le quai de la petite gare d’Ilidza, l’horloge marquait
9 h 25. L’air était encore doux. Le trajet en train ne devait durer
qu’une dizaine de minutes. L’archiduc n’en était pas mécontent :
    — J’ai hâte d’y être. Voyons un peu si ces Bosniaques
sont aussi farouches qu’on le prétend !
    Sourires à la cantonade. À Sarajevo comme à la Hofburg [2] de Vienne, l’Empire restait tel qu’en lui-même, bravache, suffisant et ancré
dans l’évidence de sa légitimité. Comme si tout était parfaitement sous
contrôle. Comme s’il ne s’était rien passé au cours de ces dernières années.
    Entrelacs redoutablement complexe d’ethnies, de cultures et
de nationalités, les Balkans tourmentaient toutes les chancelleries européennes
par leur instabilité permanente. Cette poudrière avait déjà menacé d’exploser.
Elle s’était embrasée à deux reprises depuis 1912. Deux guerres courtes qui,
par bonheur, n’avaient pas dégénéré. Mais deux guerres pour rien. Entre Serbes,
Monténégrins, Roumains et Bulgares mais aussi entre l’Autriche-Hongrie et la
Russie, les grands parrains de la région, tout restait à régler. Et les
dissentiments des uns envers les autres s’étaient transformés en ressentiments
tenaces, les rancœurs s’étaient faites rancunes.
     
    Au cœur de cet espace ingérable, la Bosnie-Herzégovine.
Province ottomane depuis plus de cinq siècles, cette invraisemblable mosaïque
de peuples était passée sous l’influence progressive de l’Autriche-Hongrie.
Celle-ci avait fini par l’annexer en 1908 dans l’indifférence générale. Trop
affaibli pour réagir, le sultan de Constantinople Abdul-Hamid avait d’autres
priorités. Les Russes, eux, avaient bien regimbé. Ils avaient dû cependant en
rabattre de leur solidarité panslave en même temps que de leur fierté
nationale. Au moins temporairement.
    Depuis, les Bosniaques – surtout ceux d’origine serbe –
reportaient leur amertume sur un Empire austro-hongrois en plein tangage. Qui
ne voyait que cet attelage dominé par les
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