Bücher online kostenlos Kostenlos Online Lesen
1914 - Une guerre par accident

1914 - Une guerre par accident

Titel: 1914 - Une guerre par accident
Autoren: Georges Ayache
Vom Netzwerk:
de
pouvoir l’amorcer. Comme par réflexe, il brandit son revolver et pointa la
voiture. Deux coups de feu claquèrent.
    Princip n’eut pas le temps de tirer une troisième fois.
Déjà, des gens l’entouraient et le maîtrisaient avec rudesse. Un officier de
l’entourage de l’archiduc, le baron Andreas von Morsey, lui assena un coup
de sabre qui lui cassa le bras et lui brisa une côte. Princip tenterait lui aussi
d’avaler sa fiole de poison mais en pure perte. Le cyanure qu’on leur avait
remis était probablement frelaté. Il fut traîné à terre avant d’être emmené
sans ménagement par des policiers.
    Pendant ce temps, la voiture de l’archiduc avait accéléré
pour rallier directement le Konak. À l’intérieur du véhicule, le comte Franz
Harrach dans son uniforme de lieutenant-colonel. Au moment des coups de feu, il
se tenait debout sur le marchepied de la voiture, faisant un rempart de son
corps pour protéger François-Ferdinand. Mais il était du mauvais côté par
rapport à l’agresseur. Harrach fut le premier à s’apercevoir que
l’archiduchesse s’était affaissée sur son mari, la tête entre ses genoux. Il
réalisa qu’elle avait reçu une balle dans le ventre et que la blessure était
grave. L’archiduc également qui se mit à hurler de désespoir :
    — Sofer ! Sofer ! Ne meurs pas, je t’en
prie ! Vis pour nos enfants !
    Peu après, Harrach s’aperçut que du sang coulait également
du cou de François-Ferdinand. Impuissant, il s’affola à son tour :
    — Votre Altesse a été blessée ! Est-ce qu’elle
souffre beaucoup ?
    — Non, Harrach, rien de grave. Ce n’est rien, ce n’est
rien…
    La voiture parvint enfin jusqu’au Konak. L’archiduchesse
Sophie fut transportée dans la chambre du gouverneur où elle expira presque
aussitôt. Des médecins se précipitèrent au chevet de l’archiduc qui était
beaucoup plus gravement atteint qu’on ne l’avait présumé. Son pronostic vital
devint vite désespéré. François-Ferdinand rendit le dernier soupir quelques
minutes plus tard.
    Il était onze heures et demie passées à Sarajevo. Les
églises de la ville ne sonnaient pas encore le glas. La chaleur se faisait à
présent accablante et le soleil continuait de briller, indifférent à la fureur
meurtrière des hommes.
Bad Ischl, 28 juin, 11 h 40
    Empereur d’Autriche et roi de Hongrie, Sa Majesté
apostolique François-Joseph somnolait paisiblement dans son cabinet de travail
en attendant l’heure du déjeuner. Sa résidence d’été, qui donnait sur les
montagnes brunes du Salzkammergut, au sud de la Haute-Autriche, était pour lui
une sorte de paradis sur terre. Il n’en conservait pas moins le rythme de vie
qu’il s’imposait quotidiennement dans ses palais viennois de Schönbrunn ou de
la Hofburg, à la tâche dès quatre heures du matin.
    Lorsque son aide de camp, le comte Paar, lui apprit la
nouvelle, il eut un réflexe de stupeur avant de se laisser retomber de
lassitude dans son fauteuil :
    — C’est terrible, terrible. Il ne faut jamais défier le
Tout-Puissant. Cet ordre que j’ai été hélas incapable de maintenir, une volonté
supérieure l’a rétabli [6] .
    Puis, sans état d’âme, il passa à table. Rien ne pouvait
plus atteindre François-Joseph. À quatre-vingt-quatre ans passés, il avait eu
plus que sa part de drames familiaux. Son frère Maximilien, fusillé par l’armée
mexicaine en 1867. Son fils Rodolphe, retrouvé sans vie dans un pavillon de
chasse à Mayerling en 1889. Son épouse Élisabeth, assassinée à Genève par un
anarchiste italien en 1898. La mort lui était devenue presque familière. Il
l’attendait avec la sérénité crépusculaire de l’homme de devoir qu’il s’était
toujours flatté d’être.
    À Vienne, les courtisans ne simulaient même pas
l’affliction. François-Ferdinand était craint mais nullement aimé. On méprisait
cet homme colérique au faciès de plébéien et à la nuque de bouledogue. On
l’avait fui jadis sans le moindre égard lorsqu’on avait su qu’il avait
contracté la tuberculose. On abhorrait sa froideur, son arrogance, sa frénésie
meurtrière lorsqu’il chassait le sanglier.
    Par-dessus tout, bien évidemment, on ne pardonnait pas à
François-Ferdinand son mariage, en juin 1900, avec Sophie Chotek de
Chotkova et Woguin. De l’histoire ancienne ? Pas si sûr. La cour viennoise
était rancunière et sa mesquinerie à la mesure de l’effroi
Vom Netzwerk:

Weitere Kostenlose Bücher