11 Septembre... 1973

démocratie.
    Trois candidats ont dominé le scrutin :
l'ex-président Jorge Alessandri Rodriguez, à la tête d'une coalition regroupant
le Parti national, union des Partis conservateur et libéral, ainsi que le Parti
radical démocratique, issu d'une scission du Parti radical, et qu'un groupe nationaliste
; Radomiro Tomic Romero, co-fondateur du Parti démocrate chrétien qui rassemble
les restes de l'ancien Parti démocratique, fondé au XIXe siècle ; Salvador
Allende Gossens, chef de l'Unité populaire, alliance des Partis communiste,
socialiste et radical, auxquels s'ajoutent les petits groupes de la démocratie
chrétienne (Mouvement d'action populaire unitaire et Gauche chrétienne).
    Allende obtient la majorité relative, avec
1.075.616 suffrages, soit 36,3% des voix, contre 1.036.278 votes, soit 34,8% des
voix, à Jorge Alessandri Rodriguez et 824.849 suffrages, soit 27,8% des voix, à
Radomiro Tomic. La Constitution prévoit que, lorsque le candidat arrivé en tête
obtient moins de 50% des suffrages, la Chambre des députés et le Sénat réunis
en Congrès doivent choisir entre les deux candidats ayant obtenu le plus grand
nombre de voix.
    Le vote du Congrès est fixé au 24 octobre. Pendant
les 50 jours que dure l'"entre deux tours", les perdants du scrutin,
appuyés par une droite très hostile, ravivent le spectre du communisme et du
marxisme pour tenter d'effrayer la population, comme ils n'ont cessé de le
faire depuis 1938. Selon l'historien Louis Oppenheim, la victoire de l'Unité
populaire est interprétée par la droite, ses hommes, ses institutions et ses
partis, comme un "appel aux armes et à la lutte pour la survie [19] ".
    Mais la droite chilienne n'est pas la seule à
réagir. Des signaux d'alarme s'allument également au nord du continent, à
Washington, au sein du gouvernement américain et de toutes les agences de
sécurité dont la lutte contre le communisme est la principale raison d'être.
Dans un article publié par le New york times le 12 mars 1976, on peut
lire cette déclaration du président des États-Unis, Richard Nixon, qui n'hésite
pas à affirmer publiquement devant le Congrès de son pays : "J'étais très
préoccupé de ce que la présence de Monsieur Allende affectait directement et
négativement la sécurité des États-Unis (...). J'avais donc demandé à Monsieur
Helms (directeur de la CIA) d'intervenir clandestinement. J'avais donné, en
outre, à Monsieur Helms et à Monsieur Kissinger des instructions pour que soit
adoptée toute mesure qui aurait eu un impact sur l'économie chilienne, comme de
couper toute aide extérieure, pour aider à prévenir l'accession de Monsieur
Allende à la présidence".
    L'hostilité des États-Unis et de leurs services de
renseignement envers Allende est totale. Leurs agissements sont détaillés une
première fois en 1975 lorsque le Sénat américain publie un rapport intitulé Opérations
clandestines au Chili, 1963-1973. Ce document énumère toutes les actions
entreprises par Washington pour empêcher Allende d'accéder au pouvoir. Il est
divisé en deux parties, baptisées Track I (Première voie) et Track II (Deuxième voie).
    Le Track I est un ensemble d'activités qui
demeurent dans le cadre d'une certaine "légalité" et tentent
d'empêcher le président élu d'exercer ses fonctions par la voie
constitutionnelle. Il s'agit principalement d'influencer le Congrès chilien
pour qu'il choisisse de donner la majorité absolue au candidat arrivé en
deuxième position, Jorge Alessandri. Un tel cas de figure ne s'est encore
jamais vu dans l'histoire chilienne. Alessandri renoncerait par la suite à
exercer le pouvoir. De nouvelles élections devraient alors être organisées, au
cours desquelles la droite appellerait à voter pour le précédent président,
Eduardo Frei Montalva. Ce dernier ne pouvait pas se représenter face à Salvado
Allende en 1970, la Constitution chilienne interdisant à un président sortant
de briguer immédiatement un nouveau mandat. Approché par Washington, Jorge
Alessandri accepte d'agir conformément à ce plan. Mais l'opération se solde par
un échec.
    D'autres actions sont envisagées, qui
n'aboutissent pas non plus, comme l'envoi de lettres et de télégrammes de
protestation à l'épouse d'Eduardo Frei ou l'organisation de manifestations
spectaculaires, mettant en scène des femmes vêtues de deuil, défilant la tête
basse, tristes et silencieuses, face au palais présidentiel de la