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Voyage au Congo

Titel: Voyage au Congo
Autoren: André Gide
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oiseaux que j’ai poursuivis quelque temps, sous les branches. De la grosseur des perdrix, ils avaient leur allure ; mais le taillis était trop épais pour me permettre de tirer. Un gros singe gris vient étourdiment se balancer puis prendre peur à quelques mètres au-dessus de nos têtes. On entend et l’on voit de hautes branches s’agiter ; un bond, une fuite et, très loin déjà, retournée vers nous, une petite face grise avec deux yeux brillants. Par instants, les branches s’écartent ; il y a des clairières que bientôt le printemps emplira de son enchantement. Ah ! que je voudrais m’arrêter, m’asseoir, ici, sur le flanc de cette termitière monumentale, dans l’ombre obscure de cet énorme acacia, à épier les ébats de ces singes, à m’émerveiller longuement. L’idée de tuer, ce but à atteindre dans la chasse, étrécit mon plaisir. Assurément je ne serais pas immobile depuis quelques minutes, que se refermerait autour de moi la nature. Tout serait comme si je n’étais pas, et j’oublierais moi-même ma présence pour ne plus être que vision. Oh ravissement indicible ! Il est peu d’instants que j’aurais plus grand désir de revivre. Et tandis que j’avance dans ce frémissement inconnu, j’oublie l’ombre qui déjà me presse : tout ceci, tu le fais encore, mais sans doute pour la dernière fois.
    Le bois s’éclaircit ; les sentes de gibier se font de plus en plus fréquentes, et bientôt nous retrouvons la savane semblable à celle que nous parcourions ces derniers jours avant le Tchad.
    Nous rembarquons, n’ayant tué qu’une pintade.
    Dans la falaise argileuse, devant le bateau, quantité de trous de guêpiers. On voit la trace du grattement de leurs deux pattes.
     
    Arrêt, une heure avant le coucher du soleil, dans un très grand village (rive française) – Mani – où nous retrouvons les enfants que nous avions apprivoisés à l’aller. Le sultan, cet être arrogant et sans sourire, qui sans doute nous a jugés peu importants, d’après notre familiarité envers les inférieurs, ne daigne point paraître. Mais son jeune fils vient près de moi, s’assoit sur mes genoux, dans le fauteuil que j’ai fait porter à terre – et manifeste une tendresse qui compense les dédains du père.
     
    Je ne sais plus les dates. Mettons : le jour suivant. Départ à l’aube. Ciel tout pur. Il fait froid. Tous ces matins, levé vers cinq heures et demie, je reste jusqu’à neuf heures et demie ou dix heures, emmitouflé de trois pantalons, dont deux de pyjamas – deux sweaters.
    La pintade que nous avons tuée hier est succulente.
    Je ne me lasse pas de regarder, sur les bancs de sable, ces énormes crocodiles qui se lèvent nonchalamment au passage du bateau et parfois glissent sur le sable, jusqu’à l’eau, parfois se dressent sur leurs quatre pattes, très antédiluviens et musée d’histoire naturelle.
    Une petite pirogue, montée par deux hommes rejoint notre navire. Je ne l’ai pas vue s’approcher ; mais notre navire un instant a stoppé ; un indigène monte sur le pont, très digne encore que vêtu d’unboubou assez misérable. Il vient avec quatre poulets, de la part du sultan d’hier, et tout chargé de ses excuses. Il proteste qu’il a couru après nous hier soir, tandis que nous nous promenions dans le village. Le sultan a envoyé ces poulets hier soir déjà, mais si tard qu’Adoum (fort habilement) a refusé de nous réveiller. « Gouverneur il dort. » Tout cela n’était pas très décent de sa part, et je crois que le refus d’Adoum fort heureusement lui a fait honte, de sorte que tout aussitôt il a envoyé vers nous ce messager, ancien chef de village lui-même, qui a couru par voie de terre, coupant un coude du fleuve, pour rattraper le d’Uzès et réparer. Nous nous montrons dignes, sensibles et généreux ; et je me replonge dans le Second Faust.
     
    On s’arrête vers dix heures pour « faire du bois ». Nous descendons à terre (rive Cameroun). Contrée très différente encore. Étrange alternance d’arbres, souvent admirables, et d’espaces découverts plantés d’herbes sèches. L’abondant gibier a tracé partout des sentiers sinueux que l’on suit sans peine. Le temps est splendide. Nous avons d’abord longé la rive, où j’ai pu tuer un canard et une pintade. Puis nous nous lançons comme la veille dans la brousse. Nous faisons lever un gros phacochère qui reposait sous un impénétrable abri de
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