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Un collier pour le diable

Un collier pour le diable

Titel: Un collier pour le diable
Autoren: Juliette Benzoni
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provinciaux, il avait toujours cruellement besoin, l’argent enfin qu’il déclarait aimer au-dessus de toutes choses avec le cynisme encore naïf de sa jeunesse. S’il souhaitait si fort devenir riche, d’ailleurs, ce n’était pas pour le plaisir de thésauriser mais pour s’offrir tout ce que la fortune représentait de bien-être, d’éclat et de beauté introduits dans la vie de chaque jour… et aussi pour la possibilité de corriger, ici et là, les criantes injustices du Destin. Car ce Gascon avide, rapace même, capable de dépouiller froidement au jeu une douairière endiamantée ou de spéculer sur telle ou telle denrée coloniale, était tout aussi capable d’abandonner ses derniers écus sur la table boiteuse d’un maçon aux jambes brisées, menacé d’expulsion par un propriétaire impitoyable. Lequel propriétaire se voyait d’ailleurs rossé d’importance quelques heures plus tard, au plus profond d’une nuit obscure…
    Cynique, réaliste et volontiers amoral surtout en ce qui concernait les femmes mais follement brave, généreux jusque dans le dénuement et d’une intelligence passablement diabolique, c’était pourtant cet homme-là que le Destin avait présenté un beau soir à Gilles pour en faire un ami.
    Cette rencontre mémorable avait eu lieu le 28 avril précédent. Ce soir-là, Paris inaugurait la nouvelle salle construite pour la Comédie Italienne sur un vaste terrain proche des Boulevards concédé par le duc de Choiseul et adossé à son hôtel 2 . La soirée s’annonçait particulièrement brillante car la Reine devait y assister et avait elle-même choisi le programme : une œuvre de Grétry, Les événements imprévus , dans laquelle la charmante Madame Dugazon, l’étoile de la Comédie Italienne, devait tenir le rôle de Lisette.
    On s’était arraché les places qui n’étaient pas retenues pour Marie-Antoinette et sa suite avec d’autant plus d’enthousiasme qu’une cabale, comme cela se produit presque toujours en pareil cas, avait été montée pour saboter la soirée. Les tenants de l’Opéra, jaloux de voir les Italiens quitter le vénérable mais fort vétuste hôtel de Bourgogne pour cette salle luxueuse, étaient en effet très décidés à faire autant de bruit que possible.
    L’opération avait été assez bien montée. D’abord on avait critiqué, depuis longtemps, l’architecture du nouveau théâtre en prenant bien soin de monter contre les futurs occupants tout le reste de la corporation théâtrale. Les Italiens n’avaient-ils pas exigé que le bâtiment tournât le dos au Boulevard afin que son entrée ne risquât pas d’être confondue avec les multiples petits théâtres qui y fleurissaient ?… Pour les punir de leur outrecuidance, un quatrain fielleux courut Paris.
    Dès le premier coup d’œil on reconnaît très bien
    Que ce nouveau théâtre est très italien
    Car il est disposé d’une telle manière
    Qu’on lui fait, aux passants, présenter le derrière…
    On avait également fait circuler des libelles perfides attaquant la protection que la Reine accordait à la Comédie Italienne et insistant assez lourdement sur l’obstination qu’elle mettait à accorder ses faveurs à qui n’en valait pas la peine.
    Naturellement, ces débordements pseudo-littéraires produisirent effet et, au soir de l’inauguration, la belle salle neuve ressemblait assez à un chaudron de sorcière où bouillonnaient de concert les spectateurs venus pour applaudir à tout rompre et ceux qui entendaient contester systématiquement.
    Un chaudron fort brillant, d’ailleurs, car tandis que les loges s’emplissaient de femmes ruisselantes de pierreries sous les dômes extravagants de leurs coiffures qui dressaient dans la salle même un bizarre décor de montagnes neigeuses surmontées d’objets hétéroclites, le parterre non moins éclatant résonnait sous les talons rouges d’une foule de gentilshommes.
    C’était grâce à Fersen que Gilles y avait trouvé place. Depuis son arrivée à Paris, le jeune Suédois s’était institué l’hôte et le mentor de son ami. En attendant sa présentation à la Reine, dont il ne voulait laisser le soin à personne, il le promenait dans tous les salons parisiens où il était habitué, depuis celui du comte de Creutz, ambassadeur de Suède, à celui de l’ancien ministre Necker en passant par ceux des nombreux membres de la puissante famille financière des Lecoulteux. Le jeune homme y rencontrait
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