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Traité du Gouvernement civil

Traité du Gouvernement civil

Titel: Traité du Gouvernement civil
Autoren: John LOCKE
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en peut cultiver; et la condition de la vie humaine, qui requiert le travail et une certaine matière sur laquelle on puisse agir, introduit nécessairement les possessions privées.
     
    36. La mesure de la propriété a été très bien réglée par la nature, selon l'étendue du travail des hommes, et selon la commodité de la vie. Le travail d'un homme ne peut être employé par rapport à tout, il ne peut s'approprier tout; et l'usage qu'il peut faire de certains fonds, ne peut s'étendre que sur peu de chose : ainsi, il est impossible que personne, par cette voie, empiète sur les droits d'autrui, ou acquière quelque propriété, qui préjudicie à son prochain, lequel trouvera toujours assez de place et de possession, aussi bonne et aussi grande que celle dont un autre se sera pourvu, et que celle dont il aurait pu se pourvoir auparavant lui-même. Or, cette mesure met, comme on voit, des bornes aux biens de chacun, et oblige à garder de la proportion et user de modération et de retenue; en sorte qu'en s'appropriant quelque bien, on ne fasse tort à qui que ce soit. Et, dans le commencement du monde, il y avait si peu à craindre que la propriété des biens nuisît à quelqu'un, qu'il y avait bien plus de danger que les hommes périssent, en s'éloignant les uns des autres et s'égarant dans le vaste désert de la terre, qu'il n'y en avait qu'ils ne se trouvassent à l'étroit, faute de place et de lieu qu'ils pussent cultiver et rendre propre. Il est certain aussi que la même mesure peut toujours être en usage, sans que personne en reçoive du préjudice. Car, supposons qu'un homme ou une famille, dans l'état où l'on était au commencement, lorsque les enfants d'Adam et de Noé peuplaient la terre, soit allé dans l'Amérique, toute vide et destituée d'habitants; nous trouverons que les possessions que cet homme ou cette famille aura pu acquérir et cultiver, conformément à la mesure que nous avons établie, ne seront pas d'une fort grande étendue, et qu'en ce temps-ci même, elles ne pouvaient nuire au reste des hommes, ou leur donner sujet de se plaindre, et de se croire offensés et incommodés par les démarches d'un tel homme ou d'une telle famil­le; quoique la race du genre humain, ayant extrêmement multiplié, se soit répan­due par toute la terre, et excède infiniment, en nombre, les habitants du premier âge du monde. Et l'étendue d'une possession est de si peu de valeur sans le travail, que j'ai entendu assurer qu'en Espagne même, un homme avait permission de labourer, semer et moissonner dans des terres, sur lesquelles il n'avait d'autre droit que le présent et réel usage qu'il faisait de ces sortes de fonds. Bien loin même que les propriétaires trouvent mauvais le procédé d'un tel homme, ils croient, au contraire, lui être fort obligés à cause que, par son industrie et ses soins, des terres négligées et désertes ont produit une certaine quantité de blé, dont on manquait. Quoi qu'il en soit, car je ne garantis pas la chose, j'ose hardiment soutenir que la même mesure et la même règle de propriété, savoir, que chacun doit posséder autant de bien qu'il lui en faut pour sa subsistance, peut avoir lieu aujourd'hui, et pourra toujours avoir lieu dans le monde, sans que personne en soit incommodé et mis à l'étroit, puisqu'il y a assez de terre pour autant encore d'habitants qu'il y en a; quand même l'usage de l'argent n'aurait pas été inventé. Or, quant à l'accord qu'ont fait les hommes au sujet de la valeur de l'argent monnayé, dont ils se servent pour acheter de grandes et vastes possessions, et en être les seuls maîtres, je ferai voir ci-après  [1] comment cela s'est fait, et sur quels fonde­ments, et je m'étendrai sur cette matière autant qu'il sera nécessaire pour l'éclaircir.
     
    37. Il est certain qu'au commencement, avant que le désir d'avoir plus qu'il n'est nécessaire à l'homme eût altéré la valeur naturelle des choses, laquelle dépendait uniquement de leur utilité par rapport à la vie humaine; ou qu'on fût convenu qu'une petite pièce de métal jaune, qu'on peut garder sans craindre qu'il diminue et déchoie, balancerait la valeur d'une grande pièce de viande, ou d'un grand monceau de blé : il est certain, dis-je, qu'au commencement du monde, encore que les hommes eus­sent droit de s'approprier, par leur travail, autant des choses de la nature qu'il leur en fallait pour leur usage et leur entretien, ce n'était pas, après
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