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Tragédies Impériales

Tragédies Impériales

Titel: Tragédies Impériales
Autoren: Juliette Benzoni
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pas d’autre endroit que la terrible Sibérie.
    En pleine nuit, au mois d’août, le tsar et sa famille quittèrent leur palais pour n’y plus revenir : c’était la fin du livre dont le premier chapitre remontait si loin dans le temps.
    L’hiver à Tobolsk fut pénible. Les lettres de la tsarine à Anna Vyroubova en donnent un reflet :
    « Je tricote des bas pour le petit. Il en a demandé une paire car tous les siens sont troués. Les miens sont chauds et épais comme ceux que je donnais aux blessés, vous souvenez-vous ? À présent, je fais tout moi-même. Les pantalons du Père sont déchirés et reprisés, le linge des petites en loques. N’est-ce pas affreux ? »
    Mais Tobolsk n’était que l'avant-dernière étape. En Russie, tout changeait à une allure terrifiante. Au gouvernement du prince Lvov avait succédé le gouvernement Kerenski, qui avait duré jusqu’en octobre 1917. Mais en octobre, Lénine, réfugié depuis mars en Allemagne, où il avait reçu asile et d’où il avait pu former les premiers soviets, en Allemagne dont il s’était fait
     
    l’agent par haine du régime tsariste {6} , Lénine était revenu. Il avait balayé Kerenski et désormais, le maître c’était lui ! Un maître d’autant plus impitoyable qu’armée blanche s’était formée, regroupant les partisans du tsar : les généraux Krasnov et Mamontov avaient soulevé les cosaques, Denikine, Alexeiev et Kornilov le Caucase du Nord, Wrangel s’était à en faire autant aux frontières de Pologne et, en Sibérie même, de l’amiral Koltchak avait organisé une armée.
    Ce furent les mouvements de cette armée et la haine de Lénine qui poussèrent le gouvernement bolchevik à tirer la famille impériale de Tobolsk pour la transférer à Ekaterinenbourg, où elle arriva moitié le 30 avril, moitié le 23 mai.
    Quelques fidèles qui s’étaient regroupés à Tobolsk l’avaient suivie mais, pour la plupart, ils furent brutalement rejetés.
    La maison Ipatiev, qui appartenait à un riche marchand de la ville, était une habitation spacieuse, blanche, de deux étages et de style prétentieux. Assez confortable, mais meublée avec une absence de goût absolue. Elle était entourée d’un étroit jardin, qui bientôt disparut aux regards de l’extérieur car l’on construisit autour de la demeure, une double palissade de bois flanquée de guérites pour les factionnaires, qui en firent un véritable camp retranché (cinquante-trois gardes étaient commis à la surveillance de ce petit groupe de personnes).
    Ce que furent les trois mois que cette malheureuse famille avait encore à vivre, les témoignages réunis par la suite et portés à la connaissance du public par l'écrivain Michel de Saint-Pierre, en donnent l’image a plus claire et la plus navrante. La pire grossièreté se déchaîna librement sur cet homme doux et silencieux, cette femme fière et muette, et sur ces cinq enfants pleins de charme et infiniment touchants.
    Olga, l’aînée des grandes-duchesses, avait déjà vingt-deux ans, Tatiana en avait vingt, Maria, dix-huit, et Anastasia, la plus jeune, seize. Quant au petit tsarévitch Alexis, quatorze ans, il était malade et souffrait tant de ses jambes qu’il fallait le porter la plupart du temps, ce dont se chargeaient son père et le fidèle matelot Nagorny, qui lui avait été attaché et ne le quittait jamais.
    L’un des gardiens, Proskouriakov, devait tracer le tableau que voici :
    « Les prisonniers se levaient le matin à huit ou neuf heures et priaient ensemble. Ils se réunissaient dans la même chambre et chantaient en commun. Le déjeuner était à trois heures. Ils mangeaient tous dans la même pièce, les domestiques à leur table. À neuf heures du soir, avaient lieu le souper, le thé, puis ils allaient se coucher. La journée se passait de la façon suivante : le tsar lisait, l’impératrice lisait aussi ou cousait avec ses filles. Aucun travail physique ne leur était permis en plein air… Benjamin Saphonov commença à se livrer à de lourdes grossièretés. Il n’y avait qu’un cabinet de toilette pour toute la famille impériale. Autour de ce cabinet, Saphonov écrivait des saletés. Une fois, il grimpa sur la palissade, juste sous les fenêtres, et se mit à chanter des chansons obscènes. André Strékotine dessina dans les chambres du bas des caricatures grossières… »
    Une autre déposition dit :
    « Avdeiev (l’homme chargé de gouverner cette
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