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Tragédies Impériales

Tragédies Impériales

Titel: Tragédies Impériales
Autoren: Juliette Benzoni
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d’occultisme et vivait entourée d’une clique de voyantes et de prophètes plus ou moins bizarres en qui elle croyait dur comme fer et que, bien entendu, elle entretenait très confortablement. Cette crédulité lui valait, ainsi qu’à sa sœur, de ne jamais manquer de clients du côté des forces occultes…
    Ce soir-là, en s’approchant du lit où l’enfant, un beau petit garçon blond aux yeux bleus, gémissait continuellement, elle avait une expression si joyeuse que l’impératrice la regarda avec une stupeur indignée.
    — Comment peux-tu sourire quand mon enfant... Mais sans se troubler, la grande-duchesse caressa les cheveux trempés de sueur du petit malade et coupa :
    — Si tu veux recevoir l’homme que j’ai amené avec moi, Alexandra, non seulement ton fils se remettra de cet accident, mais encore il guérira.
    — Que dis-tu ? Qui est cet homme, et comment peux-tu être certaine d’une pareille chose ?
    — Oh ! c’est un homme tout simple, un paysan mais c’est aussi un envoyé de Dieu ! Ses manières, je te l’accorde, ne ressemblent en rien à celles de nos gens de cour, mais quand je lui ai parlé d’Alexis…
    — Parler d’Alexis ? Tu as osé ? À un paysan ?
    — J’aurais dû dire : Quand nous avons parlé d’Alexis, car c’est lui qui a commencé. Quand donc nous en avons parlé, il m’a ordonné : « Va dire à l’impératrice qu’elle ne doit plus pleurer. Je guérirai son gosse et il aura des joues roses quand il sera soldat… »
    Alexandra joignit les mains :
    — Si cela pouvait être vrai ! Oh, Anastasia, si tu pouvais réellement avoir trouvé l’homme capable de sauver mon enfant, il n’y aurait rien que tu ne puisses obtenir de moi ! Quant à lui, je l’adorerais à genoux car ce serait vraiment un homme de Dieu. Mais qui est-il ?
    L’homme se nommait Gregori Efimovitch Raspoutine et c’était un paysan des environs de Tobolsk, en Sibérie. Là-bas, il avait femme et enfants mais, un beau matin, « appelé par Dieu » il avait tout quitté pour se lancer à l’aventure sur les routes de Russie, fréquentant de préférence les couvents et une bizarre secte religieuse, celle des « Hommes de Dieu », qui professaient que la meilleure manière d’accéder à la sainteté et à la vie éternelle était de… pratiquer le péché.
    — C’est seulement quand les sens sont repus, inertes à force d’avoir trop servi, que le cœur se purifie et que l’on arrive tout près de Dieu, proclamaient ces curieux religieux, en vertu du principe, commode entre tous, qui voulait que le Seigneur se préoccupât beaucoup plus aux brebis égarées qu’à celles qui restaient sagement dans les rangs du troupeau.
    Enthousiasmé par une doctrine aussi conforme à ses aspirations secrètes et à sa robuste constitution, Raspoutine s’était incontinent voué au service d’un Dieu intéressant. Il était devenu ce que l’on appelait un « staretz » et que Dostoïevsky définissait pour sa part comme « un mélange de prêtre errant, de sorcier, de protecteur contre les forces du malin et… de pique-assiette. »
    — Toute sa puissance, conclut la grande-duchesse, réside dans son regard, véritablement inoubliable, et dans ses mains, qu’il impose aux malades. Immédiatement, ceux-ci ressentent un grand soulagement. Veux-tu le voir ? Tu ne risques rien, il me semble.
    — Il est donc ici ?
    — Il attend dans l’antichambre. Mais il vaudrait peut-être mieux prévenir ton époux car c’est à lui, le tsar, de dire qui peut ou ne peut pas approcher son fils.
    Comme il ne serait jamais venu à l’idée de Nicolas, aussitôt averti, d’avoir un avis différent de celui d’Alexandra, Gregori Raspoutine fit peu de temps après son entrée dans la chambre de l’enfant malade.
    Tremblant à la fois de crainte et d’espoir, les deux époux virent paraître un homme d’une quarantaine d’années, grand et vigoureux, habillé comme n’importe quel paysan russe, mais d’une saleté peu engageante. D’épais cheveux noirs, négligés, se partageaient sur le sommet de sa grosse tête et rejoignaient une barbe à deux pointes et une longue moustache.
    L’homme était plutôt repoussant mais, en vérité, son regard était inoubliable comme l’avait annoncé Anastasia : deux prunelles transparentes, d’un bleu très pâle de glacier, qui se plantaient dans ceux de ses interlocuteurs et ne les lâchaient plus. Un ganglion
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