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Tourgueniev

Tourgueniev

Titel: Tourgueniev
Autoren: André Maurois
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Seulement ils pensaient, et je pense avec eux, que l'émotion vraie se reconnaît justement au refus de tout excès feint et que le mélodrame n'est pas le drame. Byron, quand, vers la fin de sa vie brève, il eut connu le vrai drame, prit l'horreur des poèmes mélodramatiques qu'il avait écrits dans sa jeunesse. Tourguéniev, si, pendant ses deux années de maladie, il essaya de juger son œuvre, dut y penser avec bonheur et, s'il attachait quelque importance à la gloire posthume, avec confiance. La vérité ne vieillit pas et les enfants ressemblent encore aujourd'hui au fils d'Hector et d'Andromaque. Il est possible, comme il disait, «d'être original sans être excentrique ». Je crois même que l'on ne peut être profondément original que si l'on n'est pas excentrique.
    Le maître de Tourguéniev, Pouchkine, avait écrit :
    « Poète, ne fais pas cas de l'amour populaire ! Le bruit momentané des louanges enthousiastes passera; tuentendras le jugement du sot et le rire de la froide multitude; mais toi, reste ferme, tranquille, farouche.
    « Tu es un roi : vis seul. Par un libre chemin, va où t'entraîne ton libre esprit, perfectionnant sans cesse les fruits de tes pensées favorites, ne demandant pas de récompense pour ton noble exploit.
    « Elles sont en toi-même : tu es toi-même ton plus haut tribunal; plus sévèrement que tout autre tu peux apprécier ton travail. En es-tu content, toi, artiste exigeant ?
    « Tu es content ? Alors laisse la foule te blâmer. »
    Tourguéniev, pendant toute sa vie, a été pour lui-même ce critique exigeant et ce « haut tribunal ». Après cinquante ans nous ratifions aujourd'hui le jugement silencieux qu'il avait rendu en faveur de ses créatures 2 .
    1 Cité par Bourget.
    2 Dans des aphorismes que vient de publier Paul Valéry, j'ai trouvé avec plaisir deux textes qui sont de parfaites scolies du « être original sans être excentrique » de Tourguéniev. Voici ces textes :
    « Ce premier regard me fait venir à l'esprit un mot que j'ai entendu dire par Degas : C'est plat comme la belle peinture.
    « Mot difficile à commenter. Se comprend à merveille devant tel beau portrait de Raphaël. Divine platitude: point de trompe-l'œil; point d'empâtements, point d'enrochements; de lumières accrochées; point de contrastes intenses. Je me dis que la perfection ne s'atteint que par le dédain de tous les moyens qui permettent de renchérir. »
    « Nouveauté, volonté de nouveauté.
    « Le nouveau est un de ces poisons excitants qui finissent par être plus nécessaires que toute nourriture; dont il faut, une fois qu'ils sont maîtres de nous, toujours augmenter la dose et la rendre mortelle à peine de mort.
    « Il est étrange de s'attacher ainsi à la partie périssable des choses qui est exactement leur qualité d'être neuves.
    « Vous ne savez donc pas qu'il faut donner aux idées les plus nouvelles je ne sais quel air d'être nobles, non hâtées, mais mûries ; non insolites, mais existantes depuis des siècles, et non faites et trouvées de ce matin, mais seulement oubliées et retrouvées. »

V
    La philosophie humaine de Tourguéniev
    Une dame écrivit un jour à Tourguéniev que son fils avait à composer un devoir sur la Philosophie de Tourguéniev. Elle demandait quelques conseils. Tourguéniev fut très embarrassé. Il ne croyait pas avoir de philosophie. Il pensait qu'un artiste est avant tout un spectateur. Un artiste qui se mêle au spectacle cesse pour un temps d'être un artiste. Il se peut qu'il retrouve ensuite, dans la tranquillité, les émotions éprouvées dans l'action et qu'alors elles deviennent pour lui matière artistique. Mais la lutte pour des idées abstraites parut toujours à Tourguéniev dangereuse pour l'écrivain. « Quand je n'ai pas devant moi des figures concrètes, disait-il, je suis entièrement perdu et je ne sais où me tourner. Il me semble toujours qu'on pourrait affirmer avec une égale justice l'idée opposée à la mienne. Mais si je parle d'un nez rouge ou d'un cheveu blanc, alors le cheveu est blanc et le nez est rouge. Aucune dialectique ne peut changer cela. » L'horreur de la dialectique, l'horreur du bavardage philosophique qu'il avait tant aimé dans sa jeunesse, l'idée que ces choses ne mènent à rien, que les hommes ne vivent pas de cela, que ce qui est important, ce sont les êtres humains avec leurs nez rouges ou leurs cheveux blancs, avec leurs serrements de mains, leurs soupirs, leurs promenadesdans
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