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Testament Phonographe

Titel: Testament Phonographe
Autoren: Léo Ferré
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telle, cela devant nous suffire. Les postulats, les théorèmes, le quid éternel qui est notre condition d’homo curiosus, tout nous porte vers des solutions d’altérité à des problèmes que nous fabriquons. L’énoncé d’un problème est suspect par cela même qu’il s’exprime dans un langage conventionnel. Muller, au siècle dernier, s’inquiétait de savoir pourquoi le passé du verbe to love n’est le passé que dans le suffixe. Loved… et le passé s’étale, dramatique. Ce n’est rien d’entendre dire : love ; c’est un présent qui nous satisfait ou nous informe, simplement. Il suffit que la désinence entre dans le jeu pour que tout change, en dehors même du problème linguistique. Ce d, ce loved suscite immédiatement le regret qui est de la révolte civilisée. Tout un potentiel d’irréversibilité s’inscrit dans cette lettre qui semble conventionnelle et qui n’est que le résultat d’une longue évolution phonétique tendant vers la simplicité, vers la clarté de la parole. La grammaire soumise, il reste cet outil, ce mot faisant du passé, fabriquant une conscience, des pensées, de la mélancolie, de l’histoire. Nous ne savons pas que les conventions, qu’elles soient linguistiques, morales, religieuses, économiques, nous enferment dans le « social » comme une toile invisible qui nous met en situation de faire quelque chose, de penser cette chose comme si de toute évidence elle était une création de notre volonté de faire et de penser, alors que nous sommes la mouche prise, réduite, par une araignée qui nous observe sans nous manger. L’homme est mangé par la société mais il se réinvente perpétuellement, par une sorte de connivence inconsciente qui fait de la victime l’élan vital de son bourreau. Sans crime, point de bourreau, pardi ! Ce sont les juges qui fabriquent les délinquants. Comme le dit Sartre à propos de la trahison, la répression est un crime adventice, un crime au second degré qui ne saurait montrer son visage le premier, c’est pour cela que les sociétés sont répressives : elles tuent par délégation, en second lieu ou mieux, par ricochet. Elles tuent par la Morale, aussi tranchante, mais enfermée et garantie par de la procédure. La procédure est une façon mécanographique de tuer son prochain.
    L’histoire de l’Humanité est une statistique de la contrainte. Je ne pense pas, dans nos modes habituels de penser, qu’il puisse y avoir une vie possible sans la contrainte. La Loi, quelle qu’elle soit – fût-elle la plus désintéressée – comprend toujours ce qui est en dehors d’elle, son contraire, l’anti-loi, ce qui est derrière la promulgation. Il y a dans la pensée du législateur des coins d’ombre où mûrissent les activités louches et nécessaires de la jurisprudence. Une loi contre la torture n’est pas une loi complète si elle ne prévoit pas la torture pour qui torture…
    « Pour un œil, deux yeux… pour une dent, toute la gueule », disait Lénine, je crois, avec un sens troublant de la métaphysique de la vengeance et de ses intérêts composés…
    Ce qui saute aux yeux et à la gorge de l’homme c’est bien cette contrainte sans quoi la société ne pourrait subsister, et c’est bien de subsistance qu’il s’agit. Cette force contraignante qui me fait m’habiller au mieux des canons de la mode contemporaine afin de ne point forcer le rire de ceux qui me regardent, en dit assez long sur l’accoutumance du citoyen à la règle du ça se fait, ça ne se fait pas. Ce qui me hante, c’est la contrainte et pourquoi je m’y donne. Montrez-moi donc un homme dans cet univers du matricule !
    La destruction est un ordre inversé. C’est la négation d u Bien social que j’analyse dans la grenade amorcée. Qu’est-ce que l e Bien social sinon ce qu’aujourd’hui je définis comme étant le Mal, mon Mal, ce Mal qui me bâillonne, qui me soumet. Les gonds de la porte sautés, je rentre dans la Cité, des fleurs noires à la main et on me lynche. J’entre avec mo n Bien qui dévient leur supplice, leur Mal par moi donné. Je suis devenu le diable. La contrainte est cette exonération de principe qui me justifie dans ma prudente obéissance, véritable image du civisme.
    J’obéis, sans ordre. J’obéis, parce que membre de cette société je m’ordonne de me taire. Il y a chez tout domestique une heureuse disposition d’esprit qui le fait se plier sans casser jamais. Les images
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