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Terra incognita

Terra incognita

Titel: Terra incognita
Autoren: Mireille Calmel
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soldat en l’apercevant, essoufflé de croiser le fer avec un individu échevelé qui le dépassait d’une tête et demie, près du moyeu.
    Moment d’inattention stupide à s’inquiéter d’elle. La massue que le géant tenait à senestre le prit derrière l’oreille, lui décollant la nuque dans un craquement sec. Du sang gicla de ses narines, macula la manche du mantel d’Hélène. Il s’effondra. Elle ne bougea pas. À peine eut-elle le sentiment que son cœur s’accélérait de se deviner la prochaine victime de cette brute. Un sifflement stridula dans son tympan, sonnant la fin de l’escarmouche. Ses soldats étaient tombés, pour la plupart fauchés par les flèches avant même le combat.
    Toujours indifférente, Hélène laissa venir à elle un des individus tandis que les autres fouillaient les cadavres. Elle s’attarda sur ses traits burinés par une vie d’errance au grand air, sur son bras unique. Sur cette cicatrice qui lui fermait l’œil droit, accentuant la cruauté dans l’autre.
    Cette cicatrice…
    Cette fois Hélène perçut nettement l’accélération des pulsations dans ses veines. Elle connaissait cette cicatrice. Elle était là le jour de l’accident. Sa gorge se serra.
    — Bonjour dame Hélène, se moqua Mathieu, planté en face d’elle, la main rougie du sang qui dégoulinait de sa lame.
    Elle recula d’un pas. Non pour fuir son arme, mais pour fuir sa vérité à lui. La certitude qu’il venait reprendre la fille qu’elle avait élevée à sa place et qu’elle aimait tant.
    Elle bredouilla.
    — Elora. Qu’as-tu fait d’Elora ?
    Le regard d’émeraude se voila de surprise avant de s’assombrir de haine. Qu’espérait-elle ? Ranimer en lui un sentiment de culpabilité pour n’avoir rien su empêcher dix ans plus tôt ? Ou un éclat de vengeance qui eût amené une mort rapide ? Il ne la lui accorderait pas. Hélène était seule coupable avec les siens de la triste fin d’Algonde et de la disparition d’Elora. Elle souffrirait. Autant qu’il continuait de souffrir lui-même.
    Le son qui franchit ses lèvres avait autrefois chanté l’amour, Hélène s’en souvenait bien. Elle ne reconnut pas le crachat abject de l’homme qu’il était devenu.
    — Fallait pas laisser partir sa mère… Fallait pas. Tu vas payer pour ça.
    La douleur poignarda Hélène. Elle porta la main à son ventre, certaine d’avoir été transpercée par le braquemart. Mais non. Rien. Pas de blessure apparente. C’était une autre, plus maligne qui venait de s’ouvrir dans sa chair. Une certitude.
    Elle avait perdu Elora.
    Deux bras la soulevèrent sans ménagement. L’homme à la massue. Briseur, venait de l’appeler Mathieu. Briseur. Elle songea que cela lui allait bien. Il la déposa dans le carrosse. Referma la porte.
    Elle s’assit sagement sur la banquette, constata qu’on avait évacué sa chambrière.
    La voiture s’ébranla dans un soubresaut.
    Elle croisa dans un réflexe protecteur ses mains sur son ventre, écarquilla les yeux en découvrant sous ses doigts l’arrondi qu’il offrait. Le fixa avec l’hébétude d’un moment d’incompréhension puis se souvint.
    Des mains de Djem sur sa peau, du vit de Djem en elle. De leurs souffles mêlés. Du lent mouvement de leurs ventres l’un contre l’autre jusqu’à l’embrasement. De l’enfant en elle. De son bonheur à lui en apprenant la nouvelle.
    Alors elle comprit. Elle comprit enfin pourquoi il s’était sacrifié. Ce n’était pas pour elle. Non. C’était pour l’enfant. Comme Mathieu lorsqu’il lui avait autrefois abandonné Elora. Deux pères. Nourris de la même détresse face au destin.
    Elle n’était pas responsable. Elle était comme eux. Au-delà de la désespérance. Il faudrait qu’elle le lui dise, à Mathieu. Lorsque le carrosse s’arrêterait. Où qu’il s’arrête.
    Il faudrait qu’elle le lui dise, oui, qu’Elora avait réussi l’impossible.
    Lui rendre la chair de la vie…
    Ensuite…
    Ensuite elle se battrait pour la garder, cette vie détestable.
    Au nom de l’amour.

2
     
    — Comment suis-je ? s’inquiéta Algonde devant un élégant miroir sur pied, en écartant les bras pour laisser le satin glisser en caresse sur sa peau.
    Elle était seule avec sa grand-mère dans cette chambre du manoir de la Rochette qu’Enguerrand de La Tour-Sassenage lui avait attribuée. Près du lit fermé de rideaux de velours, deux coffres aux couvercles relevés débordaient encore
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