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Terra incognita

Terra incognita

Titel: Terra incognita
Autoren: Mireille Calmel
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    Le clapotement des sabots dans les flaques répondait aux battements du cœur de Mathieu, comme une musique chargée autant de promesses que de vengeance.
    Il risqua un pas vers l’avant, se dégageant du tronc massif qui le masquait entièrement. Le châtaignier devait être multicentenaire à en juger par l’épaisseur rassurante de son écorce et son envergure. À lui seul il eût suffi à la forêt. Mais, en cet endroit, à un quart de lieue du château de Bressieux, il était cerné d’autres, tout aussi impressionnants. Leurs repousses, généreuses, ceinturaient la route d’un rempart végétal que le printemps crayonnait d’un vert tendre.
    L’endroit idéal pour une embuscade.
    Huit… non, se reprit Mathieu. Neuf. Neuf chevaux plus la voiture.
    Marquée aux armes d’Aymar de Grolée. Une excitation malsaine gagna le creux de son unique paume. Il la frotta contre le moignon de chair qui terminait son poignet droit piqueté d’aiguilles invisibles, vestiges d’un temps où il avait décidé d’en terminer avec une main inutile, déchiquetée par les serres d’un rapace. Il avait cru, en la tranchant d’un coup sec de son braquemart, oublier sa présence malhabile. Erreur. Elle se rappelait à lui plus méchamment qu’avant.
    Quelques minutes encore, songea-t-il en se rejetant dans l’ombre.
    Quelques minutes avant de donner le signal.
    Un sourire mauvais lui abîma le visage. L’éclat du regard émeraude s’assombrit de démence. Depuis qu’il croyait sa femme et sa fille défuntes, mais plus encore depuis qu’Hugues de Luirieux détenait son fils Petit Pierre en otage, Mathieu était en guerre. Une guerre justicière que rien, sinon le sang versé, ne pourrait apaiser.
    *
    Hélène de Sassenage était morte. À la manière d’une chandelle dont on aurait soufflé la flamme. Le corps se tenait droit, mais lumière et chaleur avaient cessé d’être. Renfoncée dans la voiture qui la ramenait au château de Bressieux, elle fixait ses mains gantées, croisées sur son ventre imperceptiblement rebondi. Elle ne voyait rien. N’entendait rien. Pas même l’écho de cette vie qui se développait en sa chair sans son consentement.
    Deux mois plus tôt, l’homme qu’elle aimait avait choisi son destin. Profitant de ce qu’elle était inconsciente, Djem lui avait fait administrer la seule dose d’antidote au poison des Borgia qui coulait dans leurs veines à tous deux, se condamnant sans appel.
    Hélène ne s’en remettait pas. Elle eût cent fois préféré s’éteindre dans ses bras.
    Elle abandonna sa nuque contre le bois du carrosse qui les ramenait d’Italie, elle et une chambrière insipide, choisie pour sa discrétion.
    Ils approchaient.
    Elle serrerait Elora dans ses bras. Elora, sa fille adoptive, la seule qui, peut-être, saurait la ranimer.
    Peut-être.
    Elora était capable de tout. Même de l’impossible, convenait Hélène.
    Sinon, il lui faudrait survivre, comme Algonde, avec sa malédiction… Algonde, femme serpent prisonnière du Furon… Algonde.
    La première à s’être sacrifiée pour elle.
    Hélène se sentit plier sous le fardeau d’une culpabilité morbide.
    La boue qui collait aux roues alourdissait leur progression, amortissait les irrégularités de la route en plein cœur de la forêt. Le balancement était propice à l’endormissement.
    Hélène ferma les yeux. Consciente qu’elle ne sombrerait pas davantage que les heures, que les nuits précédentes.
    Elle était au-delà de l’épuisement.
    Au-delà du chagrin.
    Lorsque la voiture s’immobilisa net, elle ne réagit pas. Lorsque quelqu’un de son escorte hurla à l’embuscade, pas davantage. Lorsque sa chambrière, s’étant mise à la fenêtre, fut projetée en arrière par la violence d’un trait d’arbalète qui lui transperça le front et la cloua contre le volet de bois, elle poussa seulement un cri de surprise.
    Pas d’effroi.
    La camarde lui faisait signe. Venait à sa rencontre. Exauçait enfin ses prières. Elle n’avait plus qu’à lui tendre les bras. Se jeter dans la bataille qui, au-dehors, opposait sa garde aux brigands.
    Sans un regard pour la malheureuse qui, les yeux grands ouverts et voilés du sang de sa blessure, s’agitait sporadiquement dans la mort, Hélène de Sassenage ouvrit la porte du carrosse.
    Consciente qu’on ne lui déplierait pas le marchepied, elle releva ses jupes et sauta dans la fange bourbeuse.
    — À couvert ! à couvert ! lui gueula un
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