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Sur le quai

Titel: Sur le quai
Autoren: Alain Pecunia
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visage d’Alexandre Caillard était devenu un masque
douloureux.
    – Maman, elle, n’avait cessé de le voir régulièrement et
toi, mon pauvre « papa », tu ne t’es jamais douté que tu
élevais une nichée de petits Lestrade.
    Elle partit dans un fou rire métallique et grinçant.
    Le masque de Caillard était de plus en plus douloureux.
    La demie de vingt heures sonna.
    Nathalie consulta sa montre.
    C’était l’heure juste.
    Avec un peu de chance, ils seraient à l’heure.
    De toute façon, ce n’était plus à cinq minutes près.
    Si elle était venue à D…, c’était sur la demande pressante du
frère Lestrade, son vrai père, qui l’avait appelée à dix-sept
heures quarante-cinq pour lui dire qu’il craignait qu’un drame ne
soit survenu au presbytère.
    Si c’était le cas, elle devait annoncer à Alexandre Caillard que
Bernard Lestrade lui donnait rendez-vous pour vingt-deux
heures.
    Elle se releva.
    Son père la regardait fixement. Sans exprimer le moindre
sentiment.
    Alexandre Caillard était sorti de sa prostration.
    – Papa (elle se surprit à l’appeler ainsi), Bernard
t’attend à vingt-deux heures à la station Saint-Michel. Je
t’accompagne. C’est moi qui conduirai.
    Il opina du chef silencieusement et se leva du fauteuil.
    Il suivit sa fille et quitta la pièce sans avoir jeté le moindre
regard aux deux corps inertes.
     
     
     
     
     
     
    20
     
     
     
     
     
    Ils arrivèrent à vingt-deux heures dix à hauteur de la fontaine
Saint-Michel.
    Ils n’avaient pas échangé un mot de tout le trajet.
    – Laisse-moi là, dit-il.
    Elle le vit se diriger vers la station et s’y engouffrer.
    Elle ferma les yeux un bref instant et redémarra.
     
     
     
     
     
     
    21
     
     
     
     
     
    Alexandre Caillard n’eut aucune peine à reconnaître Bernard
Lestrade. Et il se trouvait là où il pensait le trouver.
    À l’endroit même du quai où il s’était trouvé tant d’années plus
tôt en compagnie de son frère jumeau.
    Lestrade se tenait sur le bord et regardait les rails.
    Il se tourna à peine vers lui quand Caillard vint se placer à sa
hauteur.
    Une rame arrivait.
    Elle redémarra sans qu’ils eussent esquissé le moindre
mouvement.
    – Je suis là, Bernard, finit par dire d’une voix
étrangement claire Alexandre Caillard.
    Lestrade le considéra un bref instant. Puis il se concentra à
nouveau sur les rails.
    – Je ne suis pas Bernard, dit-il sans le regarder.
    Alexandre Caillard haussa les épaules.
    – Je m’en suis douté après avoir écouté ta fille.
    – C’est un beau gâchis, non ?
    – Oui, répondit Caillard d’un ton neutre en se concentrant à son
tour sur les rails.
    Il y eut un long silence et une nouvelle rame eu le temps de s’y
insérer.
    – Tu sais qu’on jouait souvent à se remplacer Bernard et
moi. Nous étions de parfaits jumeaux, reprit Lestrade.
    – Oui, fit Caillard.
    – Bernard a tenu à me remplacer ce soir-là. Pour me protéger. Je
lui avais dit que je te soupçonnais de nous avoir donnés et il
craignait une réaction violente de ma part.
    Il se tut.
    Caillard lui demanda pourquoi il n’avait pas songé à venger sa
mort plus tôt.
    Lestrade haussa les épaules tristement.
    – Tu sais, la prison ne donne pas spécialement le goût de
la vengeance et de la justice expéditive…, poursuivit-il.
    Ni l’un ni l’autre n’avait quitté les rails des yeux.
    Une nouvelle rame déboucha du tunnel.
    Deux jeunes qui en descendaient les bousculèrent en les traitant
de vieux cons.
    Ils haussèrent les épaules de concert et reprirent leur position
initiale au bord du quai.
    – Faut pas s’éterniser, dit Jean Lestrade après le départ
de la rame.
    – Oui, fit Caillard.
    Lestrade se disait qu’une mort n’en rachète pas une autre. Qu’il
lui restait sa fille. Qu’Alexandre Caillard, lui, n’avait plus rien
et n’était plus rien.
    Il allait le prendre par le bras et lui dire qu’il fallait
remonter quand une nouvelle rame se fit annoncer au débouché du
tunnel.
    – Je regrette pour ton fils, prends soin de Nathalie, dit
Alexandre Caillard au moment même où il se laissait tomber sous la
voiture de tête.
    Mais Jean Lestrade n’avait rien entendu de ses dernières
paroles.
    Seul le bruit mat du corps heurté par la cabine résonna
longtemps dans son esprit. Tel un écho sans cesse relancé par on ne
sait quelle malédiction originelle.
     
     
     
     
     
     
    22
     
     
     
     
     
    Le drame de
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