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Sir Nigel

Sir Nigel

Titel: Sir Nigel
Autoren: Arthur Conan Doyle
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Je l’ai saisi en payement de la dette et j’ai
donné ordre aux varlets qui l’ont pris de le laisser dans la noue
car j’avais entendu dire que l’animal avait mauvais caractère et
avait déjà tué plus d’une personne.
    – Ce fut un mauvais jour pour Waverley
que celui où vous avez amené pareille bête dans son enceinte, fit
l’abbé. Si le sous-prieur et frère John sont morts, il nous faudra
reconnaître que ce cheval, faute d’être le diable en personne, est
au moins son instrument.
    – Cheval ou diable, Révérend Père, je
l’ai entendu hennir de joie en piétinant le frère John, et si vous
l’aviez vu secouer le sous-prieur comme un chien le fait d’un rat,
vous éprouveriez peut-être ce que je ressens.
    – Venez ! s’écria l’abbé. Allons
voir par nous-mêmes le mal qui a été commis.
    Et les trois religieux descendirent vivement
l’escalier qui menait aux cloîtres.
    Ils ne furent pas plutôt arrivés en bas que
leurs craintes furent apaisées, car les deux victimes de la
mésaventure, crottées et maculées de boue, parurent, entourées d’un
groupe de frères compatissants. Cependant des cris et des
exclamations provenant du dehors prouvaient qu’un autre drame se
déroulait. L’abbé et le procureur se hâtèrent dans cette direction
aussi vite que le leur permettait la dignité de leur office,
jusqu’à ce qu’ils eussent franchi les portes et atteint le mur de
la noue. En regardant par-dessus, ils y virent un spectacle
extraordinaire.
    Dans une herbe luxuriante qui lui montait
jusqu’aux boulets se tenait un magnifique cheval, tel que
désireraient en voir un sculpteur ou un soldat. Il avait le pelage
noisette clair avec la crinière et la queue d’une teinte un peu
plus fauve. Haut de dix-sept paumes avec un corps et une croupe
trahissant une grande force, il avait la nuque, l’encolure et les
épaules d’une finesse qui dénotait une bonne lignée. C’était
merveilleux de voir comme il se tenait là, le corps portant sur les
pattes de derrière écartées et prêtes à se détendre, la tête haute,
les oreilles pointées, la crinière hérissée, les naseaux rouges
palpitant de colère, et les yeux flamboyants qui tournaient en tous
sens avec un air de hautaine menace et de défiance.
    Formant cercle à une distance respectueuse,
six frères lais et des forestiers, tenant chacun une longe,
s’avançaient vers lui en rampant. Mais à tout moment, dans un
magnifique mouvement de sa tête et un bond de côté, le grand animal
faisait face à l’un de ses assaillants et, le cou tendu, la
crinière au vent, la queue raide, fonçait vers l’homme, qui
détalait en hurlant pour chercher refuge sur le mur tandis que les
autres, refermant vivement leur cercle derrière la bête, lançaient
leur corde dans l’espoir de le prendre au cou ou par les pattes,
sans obtenir d’autre résultat que de se faire pourchasser à leur
tour jusqu’à l’abri le plus proche.
    Si deux hommes avaient pu atteindre en même
temps l’animal puis enrouler leur corde autour d’un tronc d’arbre
ou d’un rocher, alors le cerveau humain aurait pu se vanter d’avoir
remporté une victoire sur la rapidité et la force animales. Mais
ils se trompaient lourdement, les esprits qui s’imaginaient que ces
cordes pouvaient servir à autre chose qu’à mettre en danger celui
qui les maniait !
    Et c’est ainsi que ce qu’on pouvait prévoir se
produisit au moment même où les moines arrivaient. Le cheval, ayant
pourchassé l’un de ses assaillants jusqu’au mur, resta si longtemps
à souffler son mépris que les autres eurent le temps de se
rapprocher de lui par-derrière. Plusieurs longes furent
lancées ; l’un des nœuds coulants tomba sur la fière tête et
se perdit dans la crinière flottante. Aussitôt, l’animal se
retourna et les hommes s’enfuirent pour sauver leur vie. Mais celui
dont la longe avait atteint la bête s’attarda un moment à se
demander s’il devait forcer son succès. Cet instant d’hésitation
lui fut fatal. En poussant un cri de désespoir, l’homme vit la bête
se dresser au-dessus de lui. Puis les pattes de devant s’abattirent
et projetèrent l’homme au sol dans un effroyable craquement. Il se
releva en hurlant mais fut de nouveau renversé et resta là,
tremblant, ensanglanté, cependant que le cheval sauvage – de toutes
les créatures de la terre celle dont la colère était la plus
cruelle et la plus redoutable – mordait et
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