Shogun
était habillé comme
lui ; il portait cependant des espadrilles à lacets. Les autres avaient des
robes aux coloris variés, des pantalons bouffants ou simplement un pagne. Ils
n’avaient pas d’armes.
Blackthorne voulut se sauver pendant qu’il était encore
temps, mais il savait qu’il n’en avait pas la force. De toute façon, il n’y
avait pas d’endroit où se cacher. Sa taille, la couleur de ses y eux
faisaient de lui un étranger en ce monde. Il s’adossa au mur.
« Qui êtes-vous ? » demanda le prêtre en
portugais. C’était un homme corpulent, bien nourri, au teint basané, qui devait
avoir vingt-cinq ans environ ; il portait une longue barbe.
« Qui êtes-vous ? répliqua Blackthorne en le
regardant fixement.
— C’est un navire-corsaire néerlandais. Vous êtes donc
un de ces Hollandais hérétiques. Vous êtes des pirates. Que Dieu ait pitié de
vous !
— Nous ne sommes pas des pirates. Nous sommes de
pacifiques marchands, sauf pour nos ennemis. Je suis le pilote de ce bateau. Et
vous, qui êtes-vous ?
— Le père Sebastio. Comment êtes-vous arrivés
ici ? Comment ?
— Nous avons été drossés sur le rivage. C’est quoi cet
endroit ? Ce sont les Japons ?
— Le Japon, oui. Le Nippon », répondit le père
avec impatience. Il se tourna vers l’un des hommes : plus âgé que les
autres, petit et mince, des bras forts et des mains calleuses, il avait le crâne rasé et ses cheveux, aussi gris que ses sourcils, étaient
ramenés en arrière en une fine queue. Le prêtre lui parla avec hésitation, en
japonais. Il montra Blackthorne du doigt. Ils étaient tous affolés. L’un fit le
signe de croix en guise de protection.
« Les Hollandais sont des hérétiques, des rebelles et
des pirates. Quel est votre nom ?
— Est-ce une colonie portugaise, ici ? »
Les yeux du prêtre étaient sévères, injectés de sang.
« Le chef de village dit qu’il a parlé de vous aux autorités. Vos péchés
vous ont perdus. Où est le reste de l’équipage ?
— Nous avons été dépalés. Nous avons besoin d’eau, de nourriture et d’un peu de temps pour réparer le bateau. Et puis nous
nous en irons. Nous pouvons vous payer pour tout.
— Où est le reste de l’équipage ?
— Je ne sais pas . À bord . Je
suppose qu’ils sont à bord. »
Le prêtre se remit à questionner le chef qui répondit en indiquant du doigt l’autre extrémité du village. Il
s’expliqua longuement. Le prêtre se tourna vers Blackthorne. « On crucifie
les criminels, ici, monsieur le pilote. Vous allez mourir. Le daimyô va
venir avec son samouraï. Que Dieu ait pitié de vous !
— Qu’est-ce qu’un daimyô ?
— Le seigneur féodal. Il possède toute cette
province. Comment êtes-vous arrivé ici ?
— Et le samouraï ?
— Un guerrier – un soldat – membre de la caste des
guerriers, dit le prêtre que l’irritation gagnait. D’où veniez-vous et qui
êtes-vous ?
— Je ne reconnais pas votre accent, dit Blackthorne
pour le dérouter. Vous êtes espagnol ?
— Je suis portugais », dit le prêtre avec
emportement ; il mordait à l’hameçon. « Je vous l’ai déjà dit. Je
suis le père Sebastio et je viens du Portugal. Où avez-vous appris à si bien
parler portugais ?
— Mais le Portugal et l’Espagne c’est la même chose.
Vous avez le même roi, dit Blackthorne, provocant.
— Nous sommes un pays indépendant. Nous sommes un
peuple différent. Nous l’avons toujours été. Nous avons notre propre pavillon.
Nos possessions outre-mer sont distinctes, oui, distinctes. Le roi Philippe
était d’accord quand il a fait main basse sur mon pays. » Le père Sebastio
arrivait difficilement à garder son calme. Ses doigts tremblaient. « Il a
pris mon pays par la force des armes il y a vingt ans ! Ses soldats et ce
tyran espagnol, ce suppôt de Satan de duc d’Alva, ont écrasé notre vrai roi. Que
va ! Le fils de Philippe règne à présent, mais il n’est pas notre vrai
souverain. Notre roi remontera bientôt sur le trône. » Il ajouta avec
méchanceté : « Vous savez bien que c’est la vérité. Ce que cette âme
damnée d’Alva a fait à votre pays, il l’a également fait au mien.
— C’est un mensonge. Alva était une vraie peste en
Hollande, mais il ne l’a jamais conquise. La Hollande est toujours libre – et
le restera. Au Portugal, au contraire, il a écrasé une toute petite armée et
tout le pays s’est
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