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Serge Fiori : s'enlever du chemin

Serge Fiori : s'enlever du chemin

Titel: Serge Fiori : s'enlever du chemin
Autoren: Louise Thériault
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manquait beaucoup. Lorsque ce dernier s’assoyait au pied du lit de Serge, au lever du jour, c’est parfois
en sanglots qu’il prenait son fils dans ses bras et le serrait
contre lui. Dévasté par le chagrin de son père, Serge assistait, impuissant, à ces crises de larmes, incapable d’en
comprendre la nature. Afin d’éviter le fardeau de la culpabilité, l’enfant reportait sur sa mère la responsabilité de
l’état de son père   : à ses yeux d’enfant, ce devait être elle, la
cause du malheur de cet homme.
    Georges ne s’investissait pas au sein de la vie familiale et
s’abstenait de participer aux tâches de la maisonnée comme tondre le gazon, entretenir la maison, jouer au baseball
avec son fils. S’il ne faisait rien de cela, ce n’était pas tant
par égoïsme que par incompréhension totale des rôles
d’époux et de père. Cela ne l’empêchait pas de posséder un
côté profondément humain   : doté d’une grande générosité, il était toujours prêt à aider n’importe quel étranger   ;
mais il n’avait aucune aptitude pour la vie de famille.
    Par ailleurs, compte tenu de son manque d’expérience
musicale, Georges inoculait peu de contenu et de substance dans son travail artistique   : il divertissait les gens,
parvenait à animer la foule, présentait son show, mais il ne
connaissait ni la musique ni les paroles des chansons qu’il
interprétait.
    De nature paresseuse, Georges multipliait les gaffes   : il
renversait ses verres de scotch parce qu’il ne tendait pas
suffisamment le bras, brisait des objets qu’il ne posait pas
aux bons endroits, etc. Serge raconte qu’un jour, son père
laissa tomber sa bague de mariage dans la cuvette des toilettes et, sans trop s’en faire, lança en plaisantant   : «   J’ai flushé mon mariage   !   »
    Claire, son épouse, qu’il avait rencontrée très jeune, était
alors sa voisine d’en face sur la rue Sainte-Dominique.
Elle ne manquait pas d’attraits aux yeux de Georges. Belle,
toujours bien vêtue, forte de caractère et déterminée, elle
se révélait la partenaire responsable indispensable à son
équilibre. Claire contribuait aussi à maintenir cette image de distinction et de réussite à laquelle aspirait tant son
époux.
    En raison de son incapacité à endosser ses responsabilités, Georges ne respectait pas, du moins la plupart du
temps, ses engagements financiers. Il s’endettait, promettait de rendre l’argent qu’il n’avait pas et se voyait contraint
d’emprunter pour payer ses musiciens et ses créanciers. Il
agissait comme un adolescent, un kid en smoking. Insouciant, il laissait Claire réparer les pots cassés, marchait sur
la pointe des pieds et sortait par la porte arrière afin d’éviter les prises de bec avec elle.
    Pourtant, cette épouse s’est montrée patiente avec son
mari. Elle est même allée jusqu’à investir ses économies
personnelles dans une pâtisserie, encourageant son homme à accepter cette vie simple qui lui permettrait, le jour,
de gagner honorablement sa vie et, le soir venu, de mener
sa carrière d’artiste. La tentative était viable, mais indiscipliné et toujours aussi peu fiable, Georges perdit cette pâtisserie peu de temps après son ouverture.
    «   C’était totalement irréaliste de penser que mon père
pourrait gérer une pâtisserie. D’abord, il était incapable de
se lever le matin. De plus, quand il me prit pour travailler
avec lui, on était deux ados qui se levaient à midi, se disant
qu’il faudrait bien ouvrir le commerce. Puis, on arrivait à la
porte, devant un pâtissier en furie d’avoir attendu dehors,
pour terminer la journée avec les amis de mon père qui le
retrouvaient pour boire du café et manger des pâtisseries,
qu’il leur offrait gracieusement, distribuant ainsi les profits qu’aurait dû générer le commerce. On était comme un
Peter Sellers et un Charlie Chaplin dans une pharmacie.   »
    Plus tard, Serge a déployé beaucoup d’énergie pour faire
comprendre à Georges l’importance de ses responsabilités,
mais ce fut peine perdue   : son père a continué de se dérober et de perdre son argent et, malheureusement, celui des
autres. Claire, quant à elle, dut continuer à le contrôler et à
le traiter comme un enfant.
    Au regard de Serge, son père incarnait la scène, le party, l’absence de limites. Il l’adorait, lui était très
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