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Serge Fiori : s'enlever du chemin

Serge Fiori : s'enlever du chemin

Titel: Serge Fiori : s'enlever du chemin
Autoren: Louise Thériault
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vient
au monde, on commence à préparer sa mort, on est en
mort latente. Ça m’a donné une grande force de guérison,
ça m’a permis de soutenir les autres. Mon père était l’être
que j’aimais le plus au monde   : un tel sentiment t’oblige à
transcender ton malaise, il te pousse à aider les autres, à
les soutenir. Maintenant, dès qu’il arrive quelque chose, je
débarque.   »
    Quand son ami Denis Farmer, batteur au sein d’Harmonium, décède en 1986, l’épouse de ce dernier, que Serge
connaît à peine, lui téléphone pour l’informer de la mort
de son ami. Fiori ne tergiverse pas une seconde et se rend
au salon funéraire dès son ouverture. À son arrivée, la veuve
de Farmer se jette dans ses bras et ils restent ainsi enlacés
de longues minutes, bien qu’ils ne soient, l’un pour l’autre,
que des inconnus. Elle savait que Denis était très attaché à
Serge, mais surtout, elle perçoit à quel point Fiori est fort et
présent pour elle. C’est une sensation nouvelle pour Serge,
impression qui confirme son récent besoin de soigner les
autres, les guérir ou encore les accompagner.
Georges
    Imaginez qu’un homme musicien
    Joue des airs d’un autre temps
    Délivrant son corps de ses talents
    Il a pu faire de moi son enfant
    Il m’a souri, ça m’a fait rire
    On a joué quelques instants
    Harmonium
     
    À l’image de son père, qui vouait une admiration sans
bornes à Giuseppe, Serge reconnaît qu’il éprouve le même
type
d’admiration
irrationnelle
pour
le
sien.
«   Compte
tenu des multiples dysfonctions de mon père, je ne vois
aucun argument, aucune justification qui permettraient
d’expliquer pourquoi j’ai tant aimé mon père ni pourquoi
lui-même a tant aimé le sien.   »
    Georges Fiori est un véritable personnage de bande dessinée   : homme à forte personnalité, il évoque immédiatement une caricature du Rat Pack de Las Vegas, un mélange
de Frank Sinatra et de Dean Martin. Éternel ado qui se
refuse à devenir adulte, il rejette les responsabilités qu’il
devrait normalement assumer. Ses rêves s’orientent plutôt
vers le showbiz et ce, vingt-quatre heures sur vingt-quatre.
Georges n’est pourtant pas un véritable artiste   ; certes, il fait
partie d’un orchestre comme musicien, mais il ne connaît
pas vraiment la musique et, de toute façon, il avoue que
cela ne l’intéresse pas. En réalité, ce qui le passionne, c’est
incarner Dean Martin, endosser ce mythique personnage
d’ entertainer et monter sur scène.
    De taille moyenne, mince, le teint gris olive, yeux bruns
et visage émacié, Georges possède ce regard profond qui
ressemble étrangement à celui de son fils   : le regard assuré d’un homme confiant et solide. Fréquemment vêtu
de smokings élégants, offerts par le beau-frère André ou
le beau-père Edmond, un des meilleurs tailleurs de Montréal, Georges Fiori affiche l’allure d’un acteur qui aurait
joué aux côtés d’Al Pacino. Il ne franchit pas la frontière
entre vie publique et vie privée   : il est en représentation
permanente. Dès qu’il revêt son costume à mille dollars,
il adopte immédiatement la peau de son personnage de
chanteur de charme, quelqu’un qui ne possède aucune
notion claire de la famille, de la sexualité, du couple et des
enfants. Il est juste Georges Fiori, l’ entertainer. Pour Serge,
ce personnage qu’incarne son père représente une énigme,
c’est un marchand d’illusions dont la devise ressemblait
à «   Buvez de la bière, écoutez de la musique, séduisez les
femmes   !   » Il a monté des orchestres, joué au crooner, fait
divers boulots – dont un de représentant pour la compagnie Molson – et possédé des commerces. Son rôle de père,
par contre, il n’a jamais su l’assumer   ; de fait, c’était plutôt
lui l’enfant de la famille. Tiraillé entre l’image d’irresponsable de son père et l’adoration qu’il lui portait, Serge a été
affecté par cette vie marginale.
    Levé généralement entre midi et quatorze heures, Georges quittait la maison vers dix-sept heures afin d’effectuer
ses runs de bière avant d’aller rejoindre son orchestre, pour
ne revenir au bercail qu’au petit matin. Son fils l’attendait
parfois jusqu’aux premières lueurs de l’aube afin d’entrer
un court moment en relation avec ce père trop souvent absent qui lui
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