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Sépulcre

Sépulcre

Titel: Sépulcre
Autoren: Kate Mosse
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relâcha un peu le nœud de sa cravate. Sa veste de soirée remarquablement bien coupée l’aidait à faire illusion. Mais à soixante ans, ce n’était plus la force de la nature qu’il était du temps où il servait encore dans l’armée. Les festons colorés accrochés à sa boutonnière représentaient les médailles qu’il avait remportées à Sedan et à Metz. Plutôt qu’un gilet, qui aurait accentué sa bedaine, il portait une ceinture de smoking rouge sombre. Avec ses cheveux gris et sa moustache bien fournie, Georges était à présent un diplomate respectable, à cheval sur l’étiquette et tout rempli de sa propre importance.
    Pour lui plaire, Marguerite s’était habillée modestement d’une robe de soie en moire violette brodée d’argent et de perles. Les manches gigot faisaient ressortir la minceur de la taille qui pointait en fuseau sur des jupes bouillonnantes. Le col montant ne laissait voir qu’une mince bande de peau, ce qui sur Marguerite rendait sa tenue d’autant plus provocante. Une seule aigrette de plumes violettes ornait ses cheveux noirs retenus en un savant chignon d’où son cou sortait, mince et délié. Elle avait des yeux d’un brun lumineux, un teint d’une nuance exquise, veloutée.
    Chaque douairière ou femme d’âge mûr se morfondait en la contemplant avec envie, d’autant qu’à quarante-cinq ans, Marguerite n’était plus de prime jeunesse. L’absence d’une alliance à son doigt les offusquait, sa beauté et sa silhouette leur inspiraient un sentiment d’injustice. Une liaison de cette nature devait-elle s’afficher ainsi chez Voisin, au mépris des convenances ?
    Deux dames-cerbères gardaient l’entrée derrière leur comptoir. Sans leur accord, pas une âme n’entrait dans ce saint des saints de l’art culinaire. Le patron, homme de distinction assorti à sa clientèle, s’abritait derrière elles. Sortant de l’ombre, il s’avança pour accueillir Georges. Le général Du Pont était un client de longue date, qui commandait le meilleur champagne et distribuait de généreux pourboires. Mais il s’était fait rare ces derniers temps. Manifestement, le patron avait craint qu’il ait délaissé son établissement pour le café Paillard ou le café Anglais.
    — Monsieur, quel plaisir de vous accueillir à nouveau. Nous nous étions dit que vous aviez peut-être été nommé à l’étranger.
    Georges parut embarrassé. Il est si collet monté, songea Marguerite, sans animosité. Car par ailleurs il était beaucoup plus généreux, déférent et simple dans ses besoins que bien des hommes auxquels elle s’était liée par le passé.
    — C’est entièrement ma faute, dit-elle avec un battement de ses longs cils noirs. Je l’ai trop accaparé.
    Le patron se mit à rire. Il claqua des doigts. Tandis que le préposé au vestiaire débarrassait Marguerite de son étole et Georges de sa canne, les deux hommes échangèrent des politesses et parlèrent de la situation en Algérie. Des rumeurs annonçaient une manifestation anti-prussienne. Marguerite laissa ses pensées divaguer. Elle contempla la desserte où les plus beaux fruits étaient exposés. Évidemment c’était trop tard pour les fraises, et puis Georges préférerait sans doute se retirer tôt, et ils ne resteraient probablement pas jusqu’au dessert.
    Marguerite fit mine de réprimer un petit soupir alors que les hommes finissaient leur conversation. Le restaurant avait beau être bondé, il y régnait un sentiment de paix et de bien-être. Son fils aurait trouvé l’endroit démodé et mortellement ennuyeux, mais pour elle, qui avait souvent lorgné ce genre d’établissements de l’extérieur, il avait gardé tout son charme et il la confirmait dans l’idée qu’elle avait enfin trouvé la sécurité sous la protection de Du Pont.
    Le patron leva la main et le maître d’hôtel s’avança pour les conduire à travers la salle éclairée aux bougies jusqu’à une table située dans une alcôve surélevée, à l’abri du regard des autres clients et loin des portes battantes de la cuisine. Sous sa moustache bien taillée, une fine couche de sueur ourlait sa lèvre supérieure, et Marguerite se demanda quelles étaient vraiment les responsabilités de Georges à l’ambassade pour qu’on tienne tant à lui faire bonne impression.
    — Monsieur, madame, un apéritif pour commencer ? s’enquit le sommelier.
    — Du champagne ? proposa Georges en interrogeant
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