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Monestarium

Monestarium

Titel: Monestarium
Autoren: Andrea H. Japp
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monseigneur de
Valézan. Il se drapa dans sa robe de nuit de riche brocart doublée de vair et
se leva, toisant l’intrus qui avait l’air d’un gentilhomme.
    — Quelle outrecuidance, quelle
impertinence ! Seriez-vous un gueux en atours pour vous conduire avec une
telle vulgarité, monsieur. Vous devriez suffoquer d’encombre !
    — Je vous laisse la
suffocation, Valézan. Mortagne. Aimery de Mortagne qui ne vous salue pas.
    Le camouflet fit trembler les joues
grasses du prélat. Il avança d’un pas.
    — Sortez à l’instant. Je veux
croire que seule l’ivresse est responsable de votre conduite déhontée. Sortez
et restons-en là.
    — Certes pas, lâcha le comte en
dégainant la dague pendue à gauche de sa ceinture et en la lui tendant. Je
n’énumérerai pas toutes les raisons qui justifient ma présence en votre
chambre, ce soir. Vous les connaissez encore mieux que moi. Cela étant, vous
venez de commettre coup sur coup deux erreurs qui vous seront fatales. L’une se
nommait Malembert, l’autre Alexia de Nilanay. Pour tous ceux qui ont péri par
votre faute, pour tous ceux qui se sont perdus pour vous avoir cru, en garde,
monsieur ! Vous étiez gentilhomme – bien que cette qualité ne fût jamais
plus mal portée – et vous devez savoir manier les armes.
    Jean de Valézan sentit alors que
rien ne ferait reculer son adversaire. La panique commença à entamer sa belle
confiance en lui. À son habitude, il rusa :
    — Oublieriez-vous ma
robe ? Manqueriez-vous de respect pour notre sainte Église ? Honte à
vous !
    — Vous n’êtes qu’un vil
assassin en déguisement. Quant à notre sainte Église, elle ne vous sert qu’à
asseoir votre gloire personnelle, et vous la souillez de votre existence.
Battez-vous, monsieur, le bras me démange.
    Jean de Valézan lâcha la dague qui
ricocha sur le plancher dans un geignement métallique et enfouit ses mains
potelées dans ses larges manches. Mortagne songea qu’il dissimulait leur
tremblement. Valézan reprit d’une voix qu’il tentait de raffermir :
    — Vaurien ! Je ne
déshonorerai pas la robe que je porte en versant le sang. Pas même celui d’un
coquin !
    — Quant à vous, vous êtes un
poltron. Juste ciel… Si je m’attendais à cela !
    Le mépris qui vibrait dans la voix
du comte souffleta Jean de Valézan et lui fit oublier pour une seconde la
terreur qu’il ressentait. Mortagne n’avait toujours pas tiré la lame pendue à
la droite de sa ceinture. L’archevêque se rua vers lui, la courte et large
daguette dissimulée dans sa manche brandie haut.
    Le temps d’un battement de cœur, il
s’émerveilla en amateur de la rapidité de geste et de mouvement de son ennemi.
Le temps d’un autre battement de cœur, il sut qu’il allait mourir. Mortagne le
saisit au poignet, faisant dévier la daguette et le tira avec violence vers
lui, vers sa lame. Le temps d’un ultime battement de cœur, ils demeurèrent
ainsi, haine contre haine, leurs regards soudés.
    Un sanglot. Jean de Valézan
s’écroula au sol, dans une mare de sang, murmurant :
    — Dieu aime les forts !
Quelle erreur, je devais réussir.
     

Abbaye de femmes des Clairets,
Perche, le lendemain, janvier 1307
    Aimery de Mortagne fixait Plaisance
de Champlois, assise très droite derrière sa table de travail. Il avait requis
de la nouvelle secrétaire, une jeune moniale allègre, permission d’une brève
entrevue avec l’abbesse.
    — Je vous venais saluer avant
de m’en retourner à Mortagne, madame. La dépouille d’Étienne Malembert,
escortée par Charles d’Ecluzole et ses hommes, m’y précédera de peu. Madame de
Nilanay, bien qu’éprouvée, est en belle santé. Elle s’y trouve déjà, en invitée
de rang.
    — Une réjouissante nouvelle,
approuva Plaisance, le visage grave.
    — Elle ne semble pourtant guère
vous égayer.
    — C’est que monsieur, les
récents ravages que nous avons essuyés mettront longtemps à se cicatriser tout
à fait. Il me reste encore tant à… constater, réparer… Des choses peu
plaisantes, précisa Plaisance en songeant au prochain départ de Bernadine
Voisin, à laquelle elle avait ordonné de rejoindre au plus rapide une autre
abbaye.
    Quant à Hermione, ou plutôt Thibaud
de Gonvray, Plaisance le fuyait depuis cette éprouvante scène dans l’herbarium.
Déchirée entre la réelle affection, la reconnaissance qu’elle éprouvait pour
cette fille – qui se révélait un fils en déguisement –
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