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Métronome

Métronome

Titel: Métronome
Autoren: Lorànt Deutsch
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va bientôt dessiner dans Paris la géographie de ses institutions…

XX e siècle
CHAMPS-ÉLYSÉES-CLÉMENCEAU
Les allées du pouvoir
    Station Champs-Élysées-Clemenceau… On pourrait y ajouter de Gaulle et Churchill puisque les statues de ces deux illustres figures de la Seconde Guerre mondiale sont venues rejoindre ici le Tigre, personnage quasi allégorique de la Première Guerre. À croire que ce carrefour du bas des Champs-Élysées est voué aux conflits les plus sanglants, alors qu’il aurait pu être celui de l’entente et de la concorde… Le Grand et le Petit Palais sont là pour en témoigner. N’ont-ils pas été érigés lors de l’Exposition universelle de 1900, symbole d’échanges et de rapprochements entre les hommes ?
    En haut de l’avenue, sans même parler de l’Arc de triomphe à la gloire de Napoléon, c’est encore par la guerre, la Grande, celle de 1914, que les Champs-Élysées sont entrés dans l’histoire du XX e siècle.
    En 1920, quand a émergé l’idée de rendre hommage à la dépouille d’un soldat inconnu mort au champ d’honneur, la Chambre des députés a proposé de placer la tombe au Panthéon… Le gouvernement et le président de la République, Alexandre Millerand, se montraient plutôt contrariés par le projet. En effet, ils avaient élaboré un autre plan : célébrer le 11 novembre de cette année-là en portant solennellement au Panthéon le cœur de Léon Gambetta, artisan de la Défense nationale après la chute du second Empire. C’était une manière de commémorer tout à la fois le deuxième anniversaire de l'Armistice et le cinquantenaire de la République née en 1870.
    Les deux projets, celui défendu par l’exécutif et celui élaboré par la Chambre, résultaient d’un clivage politique : la gauche voulait glorifier Gambetta, la droite entendait vénérer les Poilus. Pour éviter un affrontement ouvert, le président Millerand trouva un compromis : le cœur de Gambetta au Panthéon et le Soldat inconnu sous l’Arc de triomphe de l’Étoile. Le même jour. Au fond personne n’était content. La gauche la plus dure refusait de participer à « une fête militaire », la droite la plus réactionnaire hurlait contre l’hommage rendu au « laïcard » Gambetta.
    Huit corps de soldats français non identifiés, exhumés de tous les fronts de la Grande Guerre, furent transportés à la citadelle de Verdun et l’on désigna l’un d’entre eux au hasard. La dépouille du Soldat inconnu fut alors transférée à Paris pour une veillée funèbre place Denfert-Rochereau.
    Le 11 novembre 1920 au matin, un cortège solennel composé de mutilés, d’une veuve, d’une mère et d’un orphelin, tous victimes du conflit, accompagnèrent à travers la ville le cercueil placé sur un affût de canon. La procession s’arrêta symboliquement au Panthéon où avait lieu, au même moment, le transfèrement du cœur de Gambetta. Puis elle reprit sa marche jusqu’à l’Arc de triomphe où le cercueil fut déposé.
    Réelle et symbolique à la fois, cette tombe du Soldat inconnu réconciliait les Français dans un deuil collectif et permettait aux familles de pleurer la disparition corps et âme d’un père, d’un fils ou d’un frère quelque part dans la grande folie des tranchées, des gaz et des bombardements.
    Les soubresauts de la politique politicienne ont imposé l’Arc de triomphe comme lieu de sépulture, mais on peut y voir aussi un symbole fort : la tombe du Soldat inconnu vient fermer l’Arc de triomphe. Aucun défilé, jamais plus, ne pourra passer sous ce monument. À l’époque, on pouvait penser avoir vécu la der des ders.
    En septembre 1940, les troupes allemandes défilant sur les Champs-Élysées ont infligé un cruel démenti à cet espoir trop tôt caressé.

Et puis, le 26 août 1944, le général de Gaulle, dont les Parisiens découvraient dans un délire de joie l’allure et le visage, descendait ces mêmes Champs-Élysées jusqu’à la Concorde.
    — Ah, c’est la mer ! marmonna-t-il en voyant la marée humaine venue assister au défilé de la Victoire.
    Aux fenêtres, sur les balcons, sur les toits, juchés sur des échelles, accrochés aux réverbères, les Parisiens voulaient participer à cet instant historique, et sous le soleil flottaient les trois couleurs du drapeau retrouvé. La fusillade qui éclata à la Concorde, écho des derniers combats, fit souffler un bref vent de panique, mais bien vite chacun
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