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Mémoires de 7 générations d'exécuteurs

Mémoires de 7 générations d'exécuteurs

Titel: Mémoires de 7 générations d'exécuteurs
Autoren: Henri Sanson
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vote qu’on sollicitait d’elles, et qui cherchaient un échappatoire à l’accomplissement du mandat qu’on leur imposait.
    Quand l’infortuné monarque parut à la barre de la Convention, plus que jamais il dut sentir qu’il marchait dans cette voie du martyre royal où Charles Ier l’avait précédé. La perfidie des accusations dirigées contre lui, l’oubli volontaire des plus simples formes juridiques ne lui montraient que trop que sa perte était résolue, et que son sang allait être répandu en holocauste pour expier la faute des temps, et apaiser les passions déchaînées. On sait ses réponses fermes et dignes à l’acte d’accusation dressé contre lui, l’énergie avec laquelle il se défendit d’avoir fait tirer sur le peuple au 10 août, même pour repousser la plus menaçante des aggressions.  
    Quand on relit à soixante-dix ans de distance cet incroyable procès, on se demande quel égarement aveuglait cette Assemblée, pour qu’elle imputât à crime à Louis XVI jusqu’aux attentats dirigés contre lui. Combien ne bénit-on pas le progrès de la moralité humaine qui a permis aux révolutions qui se sont accomplies depuis, d’échapper à de si funestes conséquences, et de laisser les souverains détrônés, trouver au moins un refuge dans l’exil.
    C’est le 11 décembre 1792 que l’infortuné monarque était comparu à la barre de la Convention présidée par Barrère dont la froide dialectique devait exercer une influence si décisive sur le vote définitif ; c’est le 17 janvier que la sentence régicide fut rendue. Au premier abord la stupeur fut si grande qu’on n’osa croire à l’exactitude du dépouillement du scrutin et qu’il fallut recommencer, le lendemain, 18, cette opération. Le résultat de la veille étant reconnu exact, Vergniaud qui, à son tour, présidait la Convention constata que la peine prononcée contre Louis Capet était la mort.
    La séance du 19 fut consacrée à l’examen de la question du sursis ; là encore ceux qui essayaient tous ces timides attermoiements échouèrent tout à fait ; une majorité de trois cent quatre-vingts voix sur six cent quatre-vingt-dix déclara qu’il ne serait pas sursis à l’exécution du royal condamné.
    Ce fut la première nouvelle qu’apprit mon grand-père qui avait suivi avec une poignante anxiété toutes les péripéties de cet horrible procès ; je n’ai pas besoin de dire le coup terrible qu’il en reçut. Cette journée du 20 janvier devait être pour lui une fête de famille : c’était l’anniversaire de son mariage avec ma bonne grand’mère qui entrait dans sa soixantième année et dans sa vingt-neuvième année de mariage. Il voulut lui laisser ignorer la catastrophe qui venait jeter un tel voile de deuil sur cette date si chère à tous les deux ; mais l’altération de ses traits ne lui permettait pas de dissimuler les angoisses qui le rongaient ; mon père, presque aussi affecté, ne répondait aussi qu’avec une contrainte visible aux prévenances accoutumées de sa mère. Tout dans la maison respirait une tristesse morne et lugubre.
    Afin de ne point éveiller les soupçons de ma grand’mère, et après avoir recommandé un silence absolu à tous leurs gens, mon grand-père et mon père sortirent chacun de leur côté, et cheminèrent par la ville pour recueillir les bruits qui transpiraient déjà. Déjà on savait que le roi avait demandé un délai de trois jours pour se préparer à la mort.
    La Convention n’osa pas l’accorder, et Charles-Henry Sanson, qui s’était aventuré jusque vers les abords du palais législatif, sut d’une manière positive que les dernières et uniques grâces faites au roi de France étaient celles de recevoir les adieux de sa famille et d’être accompagné au supplice par un prêtre de sa religion. Il n’y avait donc plus à douter que l’exécution dût avoir lieu le lendemain.
    Mon grand-père rentra chez lui, attéré de désespoir ; mon père l’y avait devancé avec d’aussi tristes nouvelles. Plusieurs personnes s’étaient présentées dans la journée pour le voir et en demandant à lui parler avec instance ; on lui remit aussi divers papiers parmi lesquels se trouvait l’ordre fatal de faire dresser l’échafaud dans la nuit et d’y attendre le condamné à partir de huit heures du matin. Les autres papiers étaient des lettres, la plupart sans signatures, dans lesquelles on l’avertissait que toutes les
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