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Mémoires de 7 générations d'exécuteurs

Mémoires de 7 générations d'exécuteurs

Titel: Mémoires de 7 générations d'exécuteurs
Autoren: Henri Sanson
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pauvre homme était d’une faiblesse de caractère qui allait jusqu’à la pusillanimité, de sorte qu’il voulait repartir incontinent et ne répondait qu’en tremblant et de la façon la plus distraite, à nos félicitations de bienvenue. Mais le pire de tout, c’est que lorsqu’il s’agit de mettre à exécution son projet de repartir de suite, nous apprîmes qu’on venait de fermer les barrières, et que personne ne sortirait de Paris sans l’accomplissement de certaines formalités qui étaient pour notre malheureux parent une nouvelle occasion d’inquiétudes. Il tomba dans le désespoir le plus comique, s’arrachant les cheveux, accusant son imprudence jusqu’à ce que je parvinsse enfin à lui faciliter une évasion cent fois plus compromettante que les formalités à l’aide desquelles il eût pu sortir de Paris ostensiblement.  
    Je connaissais fort heureusement un ancien ami de feu mon grand-père Jugier, qui avait un jardin dans le marais donnant d’un côté sur une rue près de la barrière, et de l’autre côté au delà même de cette barrière. C’est par cette issue que s’échappa notre peureux ami qui avait eu soin préalablement de revêtir un déguisement complet de jardinier, sans excepter la veste et la hotte qu’il abandonna sans doute à quelques lieues de la capitale.
    Jusqu’à ce moment, mon père et moi, nous ne nous étions guère empressés d’aller aux sections ni de faire partie de la garde nationale ; mais le lendemain, samedi 11 août, dans l’après-dîner, deux délégués de la section vinrent nous inviter de la part de l’assemblée de notre district à nous rendre dans son sein. Il fallut bien obéir ; j’avais reconnu dans l’un des délégués un ancien camarade de pension, qui avait jusqu’alors ignoré mon origine ; je craignis que la découverte qu’il en faisait n’altérât ses sentiments à mon égard. Il n’en fut heureusement rien, et il me sembla au contraire qu’il prenait à tâche de me témoigner, par des marques d’attention multipliées, combien il se mettait au-dessus du préjugé qui flétrissait ma famille.
    Cette première délibération de l’assemblée à laquelle nous assistâmes, n’offrit rien d’intéressant ; mais le lendemain, dimanche 12 août, on nomma une députation de douze membres dont je fis partie, et qui avait pour mission de protester contre l’intrusion d’un individu presque inconnu dans notre section où il n’était même pas domicilié, et qui avait profité des troubles de la journée du 10, pour surprendre la religion de nos co-sectionnaires et se faire nommer notre représentant à la Commune.
    Nous nous rendîmes donc à l’Hôtel-de-Ville où siégeait la Commune, et le président de notre députation, un ancien jurisconsulte, nommé Jacob, qui était fort considéré, déposa sur le bureau du secrétaire la copie de l’arrêté de notre section qui expliquait notre démarche. Quand son tour fut venu de développer les motifs de cet arrêté, il fut brusquement interrompu par Chaumette, alors procureur-syndic, qui déclara que l’individu que nous voulions répudier, était parfaitement connu de lui et de Robespierre, qu’ils l’avaient vu monter dans les carrosses qui conduisaient le roi et la famille royale au Temple ; et que c’était là une preuve de civisme suffisante pour lui concilier l’estime et la reconnaissance de tous les bons patriotes.
    Voilà, en effet, comment une foule de gens, n’ayant d’autre mérite que l’à-propos et l’effronterie, avaient profité de la confusion de ces malheureuses journées, pour usurper toutes sortes de fonctions. II faut dire aussi que la Commune, ce jour-là, était encore remplie de tous ceux qui avaient pris une part active à l’affaire du 10 août. Presque tous les assommeurs et égorgeurs y étaient rassemblés, car, c’est sur les marches de l’Hôtel-de-Ville qu’un grand nombre de Suisses, armés ou non, avaient été massacrés impitoyablement. Les marches étaient encore teintes du sang de ces malheureuses victimes ; quand on nous le fit remarquer, nous eûmes beaucoup de peine à nous contraindre, pour cacher l’horreur et l’indignation que nous éprouvions à cet aspect.  
    Chaumette ne se borna point à combattre l’arrêté de notre section, en faisant l’éloge de celui contre qui il était dirigé ; il peignit cette même section comme un foyer d’aristocratie, et les habitants des faubourgs
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