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Mémoires de 7 générations d'exécuteurs

Mémoires de 7 générations d'exécuteurs

Titel: Mémoires de 7 générations d'exécuteurs
Autoren: Henri Sanson
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Saint-Denis et Saint-Martin, comme les gens de boutique de la rue Saint-Honoré, des riches, des banquiers et autres suspects. Il ne nous ménagea point, en présentant notre députation comme une honteuse cabale des ennemis personnels du vertueux citoyen dont il prenait la défense.
    Pendant que ce débat s’élevait, je courais moi-même un danger bien plus grand. N’ayant pu trouver de place dans le bureau avec mes autres collègues, je m’étais assis tout près sur un banc où se trouvaient déjà plusieurs personnes et, il paraît, quelques-uns de ces scélérats d’égorgeurs toujours en quête de nouvelles victimes. Chaumette n’avait pas achevé son discours que Robespierre, qui était à un petit bureau à part, appela un huissier et lui dit distinctement ces paroles :
    — Dites au président que je demande la parole après Chaumette.
    Au même instant, comme je n’avais pas l’air, par la place que j’occupais, d’appartenir à la députation, plusieurs hommes à l’air sinistre, qui devaient certainement faire partie des assommeurs, se retournant brusquement, me dirent :  
    — Que fais-tu ici ? Tu es sans doute un coquin d’aristocrate ? Eh bien ! nous allons bientôt en finir avec toi, comme nous en avons fini avec tes pareils les Suisses.  
    Ces menaçantes paroles furent accompagnées d’un geste, significatif, et j’avoue que je ne pus réprimer un mouvement d’effroi ; mais je me remis sur-le-champ, et je leur répondis d’une voix aussi assurée que possible :
    — Citoyens, votre manière de trancher les questions me paraît un peu expéditive et doit vous mettre dans le cas de sacrifier bien des innocents ; je crois qu’il serait plus prudent à vous de bien vous informer avant de prendre un parti si violent.  
    — Bah ! dit l’un d’eux, on n’en finirait jamais avec cette engeance d’aristocrates, s’il fallait les écouter.
    Pendant ce colloque, j’avais eu le temps de jeter les yeux autour de moi sur cette assemblée si nombreuse, et si singulièrement composée.
    J’avais eu le bonheur d’apercevoir tout près, l’ancien camarade de pension dont j’ai déjà parlé, et qui avait été nommé la veille représentant à la Commune ; il m’avait vu aussi et soupçonna le péril que je courais.
    Sur un signe que je lui fis, il vint à moi en me disant, d’un air fort empressé, qu’il avait à me parler sur-le-champ au secrétariat. On nous laissa passer, et je sortis ainsi fort heureusement de la bagarre dans laquelle je m’étais fourré. Nous rentrâmes ensuite dans la salle par une autre porte, et je pus enfin rejoindre le groupe de mes collègues, avec lesquels, s’il y avait un danger à courir, il était juste que je le partageasse.
    Au moment où nous rentrâmes, c’était Robespierre qui parlait. Il s’associa entièrement au langage tenu par Chaumette, de sorte qu’on eut l’air de nous faire grâce de la vie, et qu’on nous renvoya honteusement à notre section sans faire droit à notre réclamation ; nous eûmes infiniment de peine à descendre l’escalier, tant la foule était nombreuse et avide de nous considérer.
    Une fois hors de l’atteinte de cette vile populace, il nous fut impossible de contenir plus longtemps notre indignation, de la manière infâme avec laquelle on nous avait traités, et il n’y eut qu’une voix pour aller en faire immédiatement le rapport à notre section que nous devions trouver réunie. Lorsque nous arrivâmes, elle était effectivement en séance et à peine le président de notre députation eut-il exposé ce qui venait d’avoir lieu, que l’assemblée en masse se leva en poussant un cri de vengeance. On convint de suite d’appeler la section aux armes, et tous, jeunes et vieux, se mirent en devoir de sortir pour aller chercher les leurs. Le président essaya vainement de calmer l’effervescence des esprits ; il ne put y parvenir.
    Nous avions dans notre section quatre pièces de canon. Nos artilleurs s’en emparèrent, et en moins de deux heures nous étions au nombre de plus de deux mille prêts à marcher sur la Commune pour lui demander satisfaction de l’insulte faite. à notre section dans la personne de sa députation. Chacun était à son poste : l’artillerie en tête, les officiers et soldats à leurs rangs. On allait donner le signal du départ quand parurent quatre citoyens délégués par la Commune et chargés par le président et les membres du bureau de désavouer ce
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