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Mémoires de 7 générations d'exécuteurs

Mémoires de 7 générations d'exécuteurs

Titel: Mémoires de 7 générations d'exécuteurs
Autoren: Henri Sanson
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condamnait l’accusé à la peine de mort, le major Bachmann se leva et fit un mouvement comme s’il eût voulu aller sur-le-champ partager le sort de ses camarades ; comme si des assassins eussent été les dignes exécuteurs de l’arrêt qu’il venait d’entendre. On l’arrêta ; on le mit en sûreté dans le cabinet du greffier, derrière la salle d’audience, et on le réserva pour l’échafaud qui, sans lui, se fût reposé un jour de plus.
    Le vieux Cazotte, qui, grâce au dévouement de sa fille, avait rencontré de la pitié dans la parodie de tribunal que l’infâme Maillard présidait à l’Abbaye, fui ; moins heureux devant les juges que la loi lui donnait.
    Cazotte avait été un poète élégant et facile, dont le mysticisme avait pris quelquefois le caractère de l’élan prophétique. Son esprit conteur, sa verve amusante faisaient de lui l’âme de ces charmantes réunions du dix-huitième siècle, dans lesquelles le génie ou le talent marchaient de pair avec la noblesse et la beauté. Un soir, chez madame la marquise de Vaudreuil, Cazotte était en proie à une de ces inexplicables tristesses que ses amis remarquaient quelquefois en lui. On l’entoura ; on voulut connaître la cause de cette sombre humeur. Il résista longtemps à toutes les instances ; mais pressé par les femmes belles et élégantes qui se trouvaient là, il finit par leur avouer que, tout éveillé qu’il était, il voyait, comme dans un rêve, des choses qui produisaient sur lui une terrible impression ; il parla de prison, de charrette, et il dépeignit un échafaud qui ressemblait à la machine que le docteur Guillotin ne devait inventer que vingt ans plus tard. Et, comme on lui demandait quel rapport il pouvait trouver entre ceux qui étaient là et la prison, la charrette, l’échafaud dont les seuls criminels avaient à se préoccuper, il répondit que tout cela était destiné aux nobles et brillants personnages qui l’entouraient, et qu’il voyait distinctement la plupart d’entre eux mourant de la main du bourreau.
    Un moment de silence suivit cette étrange prédiction, mais madame de Montmorency s’approchant du visionnaire lui ayant dit en riant :
    — Vous avez parlé de charrette, mon cher monsieur Cazotte, espérons qu’on voudra bien me permettre d’aller à la mort dans mon carrosse.  
    Cazotte s’était levé et avec un accent si convaincu que tout le monde se sentit frissonner :
    — Non, madame, avait-il répondu ; car ce sera le dernier privilège accordé au roi de France. Vous irez en charrette comme moi.  
    Cette étrange vision de Cazotte devait se réaliser de point en point. Comme je l’ai dit, sa fille, en s’enfermant volontairement à l’Abbaye, était parvenue à attendrir les meurtriers de Maillard qui lui avaient accordé la vie de son père.
    Mais lors de la première arrestation du vieillard, on avait saisi une correspondance dans laquelle ses affections étaient aussi peu déguisées que ses haines. On l’arrêta de nouveau, dans le courant du mois de septembre. Le 25, il parut devant le tribunal qui le condamna à mort.
    Cazotte était d’une grande piété ; l’Evangile était sa loi, même dans les détails les plus minutieux de sa vie ; il monta sur l’échafaud sans faiblesse et sans forfanterie avec la résignation stoïque d’un chrétien.
    Jusqu’à l’époque de la mort du roi, le nombre des exécutions ne diminua pas, mais il fut bien loin d’atteindre les proportions qu’il devait prendre quelques mois plus tard. Avec ceux qu’incriminait leur coopération à la journée du 10 août, la guillotine vit passer sous son niveau les émigrés que la retraite de l’armée prussienne faisait tomber entre les mains de nos armées, et les voleurs du garde- meuble, ou du moins ceux des auteurs de cette incroyable soustraction sur lesquels la justice put mettre la main.
    Voici les principales de ces exécutions :
    Le 3 octobre, la femme Leclerc, voleuse du garde-meuble.
    Le 8, Melchior Cotter, dit le Petit-Chasseur, autre inculpé du vol du garde-meuble.
    Le 12, Englert, condamné comme conspirateur et assassin.  
    Le 17, Mielau, conspirateur.  
    Le 21, Poulet, faux assignats.
    Le 23, Jean Bion, étudiant ; Gautier de Latouche, conseiller au Parlement de Paris ; Bernage, ex-garde du çorps ; Santon, officier d’artillerie ; et de Mirambel, ex-garde du corps, condamnés, comme émigrés pris les armes à la main, par la Commission
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