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Mathieu et l'affaire Aurore

Mathieu et l'affaire Aurore

Titel: Mathieu et l'affaire Aurore
Autoren: Jean-Pierre Charland
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les mots de sa compagne. L’enfant hocha gravement la tête. Un instant plus tard, Oréus fermait la porte du cagibi lui servant de bureau. Il désigna à son invitée une chaise placée dans un coin. Il commença par lui tendre un pot en verre contenant des menthes blanches.
    Un long moment, elle le regarda, puis en prit une.
    — Tu peux en avoir d’autres, pour le chemin du retour.
    Les yeux bruns tinrent un autre long plaidoyer. Elle enfourna la première friandise, en prit deux autres. Le marchand remit le pot à sa place, puis se cala dans sa chaise et allongea les jambes.
    — Ton pied doit faire très mal.
    Elle hocha gravement la tête.
    — C’est une vilaine blessure.
    De nouveau, elle dit oui de la tête.
    — Comment est-ce arrivé ?
    — Des petits gars. Des petits gars m’ont jeté une grosse roche.
    L’homme grimaça, comme si une action pareille lui paraissait très mauvaise.
    — Tu connais les noms de ces garçons ?
    — Le petit Bédard.
    Les Bédard possédaient une ferme dans le septième rang, à peu de distance de celle des Gagnon.
    — ... gène.
    — Pardon ? Ah ! Eugène. Il était seul ?
    — Avec Alfred Gagnon.
    Pas trop loin de chez Télesphore habitait un autre Gagnon, Adjutor. Elle évoquait son fils.
    — Celui-là, c’est ton cousin je pense.
    Elle approuva de la tête.
    — Comment cela est-il arrivé ?
    — Je suis allée chercher mes petits frères dans les champs. Je suis tombée sur eux.
    — Ils t’ont lancé une pierre comme ça, sans raison.
    Elle répondit encore d’un signe de tête.
    — C’est très méchant.
    Leur conversation prenait une allure étrange : lui suggérait quelque chose, elle donnait son assentiment d’un geste.
    — La dame avec toi, qui c’est?
    — Maman.
    — C’est ta vraie maman ?

    La fillette acquiesça encore. Pourtant, elle jugea utile de préciser :
    — Elle insiste pour qu’on l’appelle comme ça. Ma vraie maman est morte.
    — Mais Télesphore, c’est ton vrai papa.
    Il la regarda dans les yeux, puis demanda encore :
    — Tu as bien dit la vérité, à propos de ces petits garçons.
    — ... Oui.
    L’hésitation rendait la réponse bien suspecte.
    — Tu ne me mentirais pas sur une question aussi importante.
    Cette fois, elle secoua la tête de droite à gauche avec énergie.
    — C’est bon, allons rejoindre tes parents.
    Au moment de se lever, le juge de paix la vit engloutir les deux autres menthes dans sa bouche, comme si elle craignait de se les faire enlever. Elle prit sa main, s’appuya sur lui pour revenir dans la grande pièce.
    Les parents se tenaient exactement à la même place.
    Leurs regards se posaient sur la fillette, menaçants.
    — Aurore m’a tout raconté. Je vais tout de suite aller chez les Bédard et les Gagnon pour parler à ces garçons. Ils ne l’embêteront plus, soyez-en sûrs.
    Ils parurent rassurés.
    — Cette petite fille peut à peine marcher. Vous devriez la porter. Surtout, elle a besoin de voir le docteur. Il faut désinfecter sa blessure, mettre un pansement dessus. Je verrai dimanche, à la messe, si elle a reçu les soins requis.
    Le ton contenait une menace voilée. Comme à regret, le visiteur souleva la fillette dans ses bras, sa femme ouvrit la porte pour eux.

    *****

    Atteler son cheval prit à peine cinq minutes. La soirée se révélait douce et chaude. Tout le long du chemin vers le septième rang, Oréus Mailhot aperçut des cultivateurs encore aux champs. Au temps de la récolte, les journées de travail se faisaient interminables.
    La maison d’Adjutor Gagnon s’élevait tout près du chemin, une grande bâtisse aux murs de planches verticales.
    Le propriétaire se donnait la peine de la blanchir à la chaux régulièrement. Cela lui donnait un air guilleret. La grange étable se trouvait suffisamment loin pour que les odeurs de fumier ne dérangent pas trop les occupants de la demeure.
    Il reconnut deux bâtiments plus petits. L’un servait sans doute de poulailler, l’autre peut-être de porcherie.
    En cette saison, mieux valait se présenter tout de suite à la porte de la cuisine d’été. Une pierre la tenait grande ouverte, afin de faciliter la circulation de l’air. Debout dans l’ouverture, le visiteur fut accueilli par un homme jovial.
    — Si tu viens pour la soupe, Oréus, trop tard. La marmite est vide.
    Les autres convives rirent un peu de la saillie. Le grand chaudron demeurait sur le gros poêle à bois encore chaud, mais toutes les assiettes sur la
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