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Louis Napoléon le Grand

Louis Napoléon le Grand

Titel: Louis Napoléon le Grand
Autoren: Philippe Séguin
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forgés, parce que c'était à ses yeux le prix à payer pour tenter d'atteindre le port.
    Après coup, dans le calme de Sainte-Hélène, Napoléon I er a essayé de replacer toute son action dans une perspective de fidélité à ses origines. Mais en lisant le Mémorial, on a parfois quelque peine à le croire, et son plaidoyer est loin d'entraîner toujours la conviction.
    Louis Napoléon, quant à lui, n'éprouva aucun besoin de justification, se bornant à attendre le jugement de la postérité. Alors d'où vient que ce jugement — équitable — tarde tant à venir? Pour répondre à la question, il faut comprendre qu'une réputation posthume n'est pas toujours celle qu'on a méritée, mais souvent celle qu'on vous fabrique pour les besoins de la cause.
    S'agissant de Napoléon I er , a joué en sa faveur l'ambiguïté de ses rapports avec la Révolution: pour la plupart des commentateurs, le premier empereur la continue, la stabilise et en consolide les conquêtes.
    Ambiguïté savamment entretenue. Certes, Pierre Larousse, l'auteur du dictionnaire, présenta Bonaparte comme « un général de la République... mort à Saint-Cloud, le 18 brumaire an VIII »; mais, loin de le suivre, les républicains dans leur ensemble, parce que cela servait leurs intérêts, s'accordèrent pour soutenir que Bonaparte survivait en Napoléon.
    Le 18 Brumaire eût-il été perpétré contre Robespierre, on aurait parlé de liberticide, mais son auteur eut la chance de n'interrompre que la comédie du Directoire. Et puis le premier Empire doit beaucoup de sa renommée à la médiocrité des temps qui lui succèdent. Louis XVIII, Charles X forgent et entretiennent, à leur corps défendant, une légende que Louis-Philippe, bon gré mal gré, se garde bien de battre en brèche et va même officiellement consacrer.
    Et cette légende est telle que Victor Hugo n'hésitera pas à utiliser l'oncle pour mieux abattre le neveu.
    Car, pour son malheur, Louis Napoléon, lui, s'intercale entre deux républiques: l'une qu'il est censé avoir renversée, l'autre qui s'édifie sur les décombres présumés de son règne.
    Qu'importe si, le 2 Décembre, la République est déjà morte et bien morte. La prétendue république que Louis Napoléon va brutaliser n'a rien, strictement rien à voir avec la république du printemps 1848. Cavaignac, aux applaudissements de l'immense majorité du personnel politique de l'époque, et avec l'assentiment de Victor Hugo lui-même, a fait tirer sur la foule en juin, et les conservateurs de tous bords ont parachevé son travail, allant jusqu'à remettre en cause le suffrage universel.
    Et pourtant, contre toute raison, on feint de croire que c'est Louis Napoléon qui a tué l'espoir populaire. Crime d'autant plus abominable que cette république de février est assurément l'undes moments les plus vivants, les plus riches, les plus beaux, les plus exaltants de notre histoire, un moment fugitif où l'imagination est au pouvoir, où la liberté prend un sens, où la fraternité est une réalité vécue; un moment où l'on se parle, où l'on se respecte, où l'on recherche, ensemble, de nouvelles frontières; un moment d'espérance où rien ne paraît impossible. S'en prendre à ceux qui ont mis un terme à tout cela est parfaitement admissible. Mais il faudrait se souvenir que Louis Napoléon n'y est pour rien, absolument pour rien.
    Qu'importe encore si le régime qui succède à l'Empire, régime qui ne dit pas son nom, république de hasard et de résignation, se présente dans ses premières années, par rapport à l'Empire finissant, comme en net recul dans presque tous les domaines, en particulier au regard des critères de la vraie démocratie. Qu'importe enfin la boucherie organisée par l'excellent Monsieur Thiers pour mettre un terme à la Commune. Le fait est que de nombreux protagonistes de l'époque sont des vaincus du 2 Décembre; ils ne se contentent pas de détester Louis Napoléon, ils redoutent son retour, et tout ce qui pourrait exalter son souvenir.
    Alors ils vont en faire une cible.
    Deux grandes plumes leur ont fourni de quoi nourrir le tir. Deux hommes que beaucoup considèrent comme les deux géants du XIX e siècle. Étonnante conjonction, au demeurant, mais terrible et efficace conjuration, qui rassemble dans un même combat, avec des arguments différents sinon contradictoires, Victor Hugo et Karl Marx...
    C'est peu dire de Hugo qu'il a poursuivi Louis Napoléon d'une haine
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