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L'Orient à feu et à sang

L'Orient à feu et à sang

Titel: L'Orient à feu et à sang
Autoren: Harry Sidebottom
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n’avaient pu repérer ?
    Demetrius était assis aux pieds de Ballista, qu’il appelait « kyrios », maître en grec, sa langue maternelle. Une fois encore, il remercia sa bonne étoile d’avoir guidé ses pas. Il aurait été difficile d’imaginer meilleur kyrios. « Un esclave ne doit pas attendre la main de son maître », disait le vieil adage. En quatre ans, depuis que la femme du kyrios avait acheté Demetrius pour servir de secrétaire particulier à son époux (un cadeau de mariage parmi de nombreux autres), Ballista n’avait jamais levé la main sur lui. Ses précédents propriétaires n’avaient eu, quant à eux, aucun scrupule à se servir de leurs poings ou à lui infliger de bien pires traitements.
    Le kyrios s’était montré magnifique à l’instant, tandis qu’il rendait grâce aux dieux et jetait dans les flots le lourd cratère d’or. Cela avait été un geste digne du héros du jeune Grec, Alexandre le Grand lui-même. Un geste spontané de générosité, de piété et de mépris des richesses matérielles. Il avait renoncé à sa richesse personnelle au profit des dieux, pour le bien de tous, afin de conjurer le présage de l’éternuement.
    Demetrius pensait que Ballista tenait beaucoup d’Alexandre le Grand : le visage rasé de près, les cheveux dorés tirés en arrière se dressant telle la crinière du lion et retombant en boucles de chaque côté de son front haut ; les épaules larges, les membres droits et élancés. Bien sûr, Ballista était plus grand ; la petite taille d’Alexandre était notoire. Et puis, il y avait les yeux. Ceux d’Alexandre, qu’il avait vairons, étaient déconcertants. Rien à voir avec le regard de Ballista, d’un bleu sombre et profond.
    Il lui vint à l’esprit que Ballista devait avoir trente-deux ans, l’âge auquel Alexandre était mort, et il serra le poing, le pouce entre l’index et le majeur afin de conjurer le mauvais œil.
    Perplexe, il regardait autour de lui tandis que le navire appareillait. Les officiers hurlaient des ordres, le fifre distillait ses notes aiguës, des marins tiraient sur de complexes entrelacs de cordes et, d’en-bas, s’élevaient les grognements des rameurs, le bruit des avirons heurtant l’eau et celui de l’étrave fendant les flots à mesure que le navire prenait de la vitesse. Rien dans les écrits des grands historiens de la Grèce immortelle – Hérodote, Thucydide et Xénophon – n’avait préparé le jeune esclave studieux au tumulte assourdissant régnant dans une galère.
    Demetrios leva les yeux vers son kyrios. Les mains de Ballista étaient immobiles, semblant crispées sur l’extrémité des accoudoirs d’ivoire de sa curule pliante, la chaise qui, en Rome antique, symbolisait le pouvoir et les hautes fonctions. Son visage était impassible ; il regardait loin devant lui, tel le sujet d’un tableau. Demetrius se demanda l’espace d’un instant si son maître était bon marin. Avait-il le mal de mer ? Lui était-il arrivé d’entreprendre un voyage en mer plus long que celui qu’il fallait faire pour rejoindre la Sicile depuis la pointe de la botte ? Il chassa vite de son esprit ces réflexions sur la faiblesse humaine. Il savait bien ce qui tourmentait son kyrios. Rien de moins qu’Aphrodite, la déesse de l’amour, et Éros, son espiègle fils : sa femme lui manquait, voilà tout.
    Le mariage de Ballista avec la kyria, Julia, n’avait pas commencé comme un mariage d’amour. C’était un mariage de raison, un mariage arrangé comme tous ceux de l’élite. Une famille de sénateurs en haut de l’échelle sociale, mais manquant d’argent et d’influence, avait accordé la main de leur fille à un officier en pleine ascension. D’origine barbare, certes, mais citoyen romain et membre de l’ordre équestre, un rang immédiatement inférieur à celui de sénateur. Il s’était distingué lors des campagnes du Danube, sur les îles du lointain océan et en Afrique du Nord où il avait gagné la couronne murale pour avoir, le premier, franchi l’enceinte d’une ville ennemie. Plus important encore : il avait été éduqué à la cour impériale et avait été le favori de l’empereur d’alors, Trebonien Galle. Bien que Barbare, il était fils de roi et était venu à Rome en tant qu’otage diplomatique.
    Avec ce mariage, la famille de Julia acquit sa présente influence et, avec de la chance, acquerrait sa future richesse. Ballista, quant à lui, gagna en
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