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L'Étreinte de Némésis

L'Étreinte de Némésis

Titel: L'Étreinte de Némésis
Autoren: Steven Saylor
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était destiné à Lucius, mais c’est à
Dionysius qu’il a été donné. Il en restait dans la chambre de Faustus, et je le
lui ai confisqué pour qu’il ne s’en serve pas pour lui. Je ne veux pas le
laisser s’en tirer aussi facilement.
    — Et
la nuit dernière, sur le chemin de Cumes, c’est Fabius qui a essayé de m’assassiner.
    — Pas
Fabius, mais ses agents. Pendant ton altercation devant les écuries, il a
entrevu la cape ensanglantée sous ton manteau. Jusque-là, il croyait qu’elle
avait disparu dans la mer, la nuit du meurtre.
    — Ah !
oui, dis-je, je me souviens de la curieuse expression de son visage.
    — Tu
vois, Gordien, si tu m’avais montré tout de suite la cape, si tu m’avais fait
suffisamment confiance pour me présenter toutes les preuves, je l’aurais
immédiatement reconnue. Et tout le mécanisme aurait été déclenché. Hélas !
Fabius ne pouvait plus espérer qu’une chose : que tu ne m’en aies pas
parlé, soit par négligence, soit à dessein, ce qui était le cas. Mais de toute
façon, il n’avait pas d’autre choix que de te tuer, pour récupérer le manteau
et le détruire dès que possible.
    « C’est
Fabius que j’avais chargé de trouver des gladiateurs et d’organiser les jeux
funéraires. En temps normal, cette tâche aurait incombé à Mummius. Mais étant
donné son penchant pour l’esclave grec et son aversion pour le spectacle que je
préparais, je ne pouvais pas compter sur lui. Fabius avait déjà prévu de t’éliminer,
d’une manière ou d’une autre. Il avait fait venir deux gladiateurs du camp du
lac Lucrin. Juste au cas où. Ainsi étaient-ils prêts à se mettre immédiatement
à ta poursuite quand tu as pris la route de Cumes. Fabius t’a demandé où tu
allais, tu t’en souviens ? Et tu le lui as dit. Erreur ! Il a envoyé
les deux gladiateurs pour vous suivre et vous assassiner, toi et Eco, et pour
lui rapporter le manteau.
    Je
hochai la tête.
    — Et
quand nos corps auraient été découverts, on aurait encore accusé de meurtre
Alexandros !
    — Exactement.
Mais vous n’auriez pas été plus en sécurité ici, dans la villa. Si vous aviez
passé la nuit ici, il avait un autre plan. Il comptait se glisser dans votre
chambre et vous verser quelques gouttes de jusquiame dans l’oreille. Tu en
connais les effets ?
    — J’en
ai entendu parler, dis-je en frissonnant.
    — C’est
un autre poison, qu’il avait acheté à Rome, pour éliminer Lucius le cas
échéant. On dit que si l’on en verse la dose qui convient dans l’oreille d’un
dormeur, il se réveille le lendemain totalement fou. Tu vois, Gordien, si tu
avais dormi ici cette nuit, tu serais peut-être un idiot bafouillant et
jacassant à cette heure.
    — Et
si Eco n’avait pas crié pour m’avertir, un javelot m’aurait transpercé devant l’arène.
    — Autre
petit cadeau de Fabius. Cette nuit-là, comme tu le sais, un seul assassin est
revenu. Quand Fabius a appris que tu t’étais échappé avec le manteau, il a pris
le gladiateur comme garde du corps personnel. Il lui a ordonné de se cacher
au-dessus de ma loge et de guetter ton arrivée. Pendant ce temps, et à mon
insu, Fabius déchargeait de leur mission les gardes qui auraient dû se trouver
à l’entrée. Ainsi il n’y aurait pas de témoins. C’était sa dernière chance. Si
l’assassin avait réussi à te tuer, il aurait informé Fabius, et ton cadavre
serait allé pourrir avec ceux des gladiateurs morts.
    — Et
ce soir, Faustus Fabius aurait définitivement échappé à tout soupçon.
    — Oui,
soupira Crassus, et les habitants de la baie ne parleraient que du glorieux
spectacle organisé par Marcus Licinius Crassus. L’histoire se propagerait jusqu’à
Rome, au nord, et finirait même par gagner le camp de Spartacus, à Thurium, au
sud.
    — Et
quatre-vingt-dix-neuf esclaves innocents seraient morts.
    Crassus
me regarda silencieusement. Puis il eut un petit sourire.
    — Rien
de tout cela ne s’est produit. Alors, oui, Gordien, moi aussi je pense que tu
es un bras de Némésis. Tu n’as fait qu’exécuter la volonté des dieux. Les dieux
m’ont joué un tour, ils ont tout fait pour que je sois là, ce soir, assis à
boire la dernière bouteille de cet excellent falerne de mon cousin, avec le
seul homme au monde pour qui la vie de quatre-vingt-dix-neuf esclaves est plus
importante que les ambitions de l’homme le plus riche de Rome.
    — Que
vas-tu faire
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