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Les porteuses d'espoir

Les porteuses d'espoir

Titel: Les porteuses d'espoir
Autoren: Anne Tremblay
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tante
     Julianna qui devait encore pleurer toutes les larmes de son corps en parlant de
     sa chère sœur Marie-Ange, était au-dessus de ses forces. Elle bifurqua. Arrivée
     à un muret de pierres qui bordait une belle grande maison, elle s’y assit un
     instant, reposant sa jambe boiteuse. Même son infirmité, elle n’avait jamais eu
     le droit de s’en plaindre. Allons, elle n’avait pas été brûlée vive comme le
     reste de sa famille, alors qu’était une vulgaire polio à côté de cela ? Elle
     reprit son chemin. Elle devait rentrer. Demain, elle y verrait plus clair. Après
     le coin de la rue, elle prendrait le petit raccourci qui coupait par derrière le
     magasin de meubles. Jamais elle ne remarqua l’homme qui était sorti du cinéma en
     même temps qu’elle et qui la suivait discrètement, prudemment, attendant le
     moment propice, l’endroit parfait, le cœur battant d’anticipation, une sueur
     perlant d’excitation, affamé, enflammé, pour la cerner, la piéger... la
     dépecer...
    Chasser de jour était ce qu’il préférait. Cette prise allait être une de ses
     meilleures, il le sentait.

    — J’ai rencontré un homme à Montréal. Il m’avait promis de faire de moi la
     reine de la chanson et du théâtre. Je l’ai cru, Laura. J’étais prête à tout pour
     ne pas le décevoir.
    Yvette prit une grande respiration.
    — Je ne lui ai rien refusé, rien... J’ai su après qu’il était déjà marié. Au
     début, je lui ai caché que j’attendais un enfant de lui. Il venait juste de
     m’inviter à le suivre à Paris avec la troupe dethéâtre. Tu
     comprends, Laura, j’me suis dit qu’ici, loin de tout, nous allions vivre comme
     un mari et une femme. Je lui aurais dit pour le bébé, il aurait quitté son
     épouse anglaise et nous aurions été heureux... Il m’appelait Cendrillon, mais ce
     n’était pas le prince charmant en fin de compte.
    Laura écouta. Pauvre Yvette, rien n’avait fonctionné. Rendue à Paris, la troupe
     avait eu un malentendu avec le producteur parisien et le spectacle était tombé à
     l’eau. Ils étaient donc en difficulté financière. Paul-André avait tout investi
     dans cette aventure parisienne. Taciturne, maussade, il s’était mis à
     disparaître des jours entiers, laissant sa maîtresse seule dans ce minable
     appartement qu’il avait loué. Il revenait sporadiquement, encore plus déprimé
     qu’avant. Il n’avait réussi à trouver personne pour le renflouer. La troupe
     s’était démantelée. Quand Yvette lui avait avoué son état, il s’était mis dans
     une colère noire. Il se sentait trahi, abandonné, pris au piège. Tout le monde
     s’était donné le mot pour ruiner sa vie ! Elle avait pleuré, l’implorant de ne
     pas repartir à nouveau, de rester avec elle. Ils devaient parler ! Il n’avait
     pas le droit de la laisser seule, encore une fois !
    — Y a presque plus rien à manger, Paul-André !
    — Merde, est-ce que tu penses que l’argent me sort par les oreilles ? C’est
     tout ce qui me manquait, de t’avoir sur le dos en plus !
    — Mais, Paul-André… Où tu vas ?
    — Chercher à bouffer !
    Il avait claqué la porte derrière lui. Cette fois, il avait disparu pendant dix
     jours. Désespérée, affamée, n’ayant aucun sou en sa possession, elle s’était
     décidée, après avoir mangé la dernière miette de pain, à demander de l’aide à la
     voisine de palier.
    Yvette ferma un instant les yeux. Elle revit la veuve ouvrir craintivement la
     porte. Ici, on se méfiait des étrangers.
    — Qu’est-ce que vous me voulez ?
    — Bonjour, madame, je… je voudrais vous emprunter…
    Affaiblie, Yvette s’était appuyée sur le cadre de la porte,
     étourdie.
    — Par la madone, ma pauvre enfant, qu’avez-vous ?
    Yvette avait murmuré qu’elle était enceinte et qu’elle n’avait plus à
     manger.
    — Et votre mari, il est où ?
    Yvette n’avait pu cacher son désarroi. La voisine lui avait fait signe de ne
     pas répondre.
    — Je vois. Allez, entre, petite. Tu viens du Canada ?
    — Oui…
    — Pendant la guerre, j’en ai vu, des pauvres filles avec un polichinelle dans
     le tiroir, t’es pas la première. Les hommes sont des pourceaux.
    — Tu vois, Laura, ma voisine a été si précieuse. Elle a pris soin de moi. Elle
     est venue me porter de la soupe à l’oignon tous les jours. Enfin, Paul-André est
     réapparu. Il tenait dans ses mains un énorme
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