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Les masques de Saint-Marc

Les masques de Saint-Marc

Titel: Les masques de Saint-Marc
Autoren: Nicolas Remin
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allumé une de ses cigarettes égyptiennes, entre autres parce qu’elle savait que François-Joseph ne les supportait pas, et observait à travers une volute de fumée son impérial époux qui tenait une tasse à la main. Ses larges favoris lui arrondissaient le visage. Chaque fois qu’il portait le thé à ses lèvres, il lui rappelait un hamster plongeant son museau dans un abreuvoir.
    Cela faisait une bonne demi-heure qu’il s’étendait sur le nom et le rang des personnes autorisées à écouter la messe dans la basilique Saint-Marc. Et sur l’importance qu’il accordait à sa présence à ses côtés au moment où il recevrait les hommages de la foule. Il avait aussi laissé entendre que si elle ne venait pas, elle manquerait un moment important – sans doute voulait-il parler de la liesse populaire, songea-t-elle. Devait-elle l’informer que les Vénitiens ne débordaient pas d’enthousiasme pour l’Autriche et la famille impériale ?
    Elle s’appuya sur le dossier de son fauteuil et ravala son courroux. Ils avaient déjà discuté longuement du protocole de la messe solennelle, clou de la visite officielle de l’empereur à Venise, mais son mari ne lui avait toujours pas annoncé une seule nouvelle justifiant le report de son cours d’escrime.
    — C’est tout ce que tu as à me dire ? l’interrogea-t-elle avec un calme qui l’étonna elle-même.
    François-Joseph reposa sa tasse et fixa son épouse avec attention.
    — Non, il reste un détail.
    — Lequel ?
    — Te souviens-tu du collier que portait la femme de l’ambassadeur de France lors du dernier bal à la Cour ? Le collier de la reine Hermelinda ?
    « Mon Dieu, quelle question ! » Évidemment qu’elle s’en souvenait. Un collier en or se composant de médaillons sur lesquels on reconnaissait le profil des impératrices romaines. Il provenait, paraît-il, du même atelier que la légendaire couronne de fer, qui devait son nom à un cercle forgé à partir d’un clou de la croix de Jésus. Elle qui n’attachait en général aucun prix aux bijoux avait été littéralement folle de jalousie à la vue de ce chef-d’œuvre.
    — Oui, bien sûr ! répondit-elle, troublée par la tournure que prenait leur conversation. Qu’est-il arrivé à ce collier ?
    — Il a été mis en vente à Paris.
    — Dans ce cas, je suppose qu’il appartient désormais à l’impératrice Eugénie, lâcha-t-elle.
    À cette pensée, proprement effroyable, Sissi faillit se sentir mal. Elle ferma les yeux et s’enfonça dans son fauteuil. L’empereur sourit.
    — Que dirais-tu si quelqu’un l’avait précédée ?
    — Quelqu’un de notre connaissance ?
    — Oui, le comte Auersperg.
    Elle soupira.
    — Tant mieux pour la comtesse ! Au moins aurons-nous le plaisir d’admirer ce collier de temps à autre.
    — Auersperg ne l’a pas acheté en sa qualité de mari, précisa l’empereur.
    — À quel titre alors ?
    — En mon nom.
    L’espace d’un instant, Élisabeth fut persuadée d’avoir mal entendu. Elle se redressa de manière si brusque dans son fauteuil qu’un peu de cendre tomba par terre.
    — Tu as acheté ce collier ?
    Il hocha la tête avec un sourire.
    — Et où est-il ?
    — Là où tu le porteras pour la première fois, répondit-il sur un ton solennel.
    — Je ne comprends pas ce que tu veux dire, chéri.
    Pardon ? Elle avait dit « chéri » ? D’une voix presque suave ? Apparemment oui, puisque, sous ses favoris, l’empereur piqua un fard.
    — Je veux parler de notre prochain voyage, balbutia-t-il.
    Il fallut plusieurs secondes à Sissi pour comprendre le sens de ses paroles.
    — Le collier est à Venise ?
    Il acquiesça d’un mouvement de la tête.
    — Au palais royal, sous bonne garde.
    Élisabeth fronça malgré elle les sourcils.
    — Au palais royal ?
    — Tu penses sans doute à l’argenterie disparue l’an dernier ? demanda son époux.
    Elle confirma. Lors du précédent inventaire annuel, on avait constaté qu’il manquait une grande partie de l’argenterie, datant de Napoléon I er . Une enquête de la police militaire, menée par le commandant de place en personne, n’avait donné aucun résultat. L’affaire fut jugée si humiliante qu’on s’était abstenu d’en avertir la police vénitienne.
    — Après cette bavure, Toggenburg a réorganisé de fond en comble le service de garde, la rassura François-Joseph. Pareil incident ne se reproduira pas. En outre, nous pouvons compter sur Königsegg.
    Königsegg ?
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