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Les guerriers fauves

Les guerriers fauves

Titel: Les guerriers fauves
Autoren: Viviane Moore
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d’une bassine d’eau, un moine était penché sur un corps. Il se redressa.
    — Ah, vous voilà ! Je ne peux pas rester longtemps, j’ai affaire à l’hôtel-Dieu. J’ai commencé sans vous.
    — Reste là, petite.
    La gamine obéit, plantée sur le seuil, roulant des yeux effrayés et claquant des dents. La pénombre, les cadavres, l’odeur, tout cela était trop pour elle.
    — Pourquoi amener cette fillette ici ? fit le moine.
    — C’est elle qui a trouvé le corps.
    — Alors, gardez-la à l’écart, il n’est pas nécessaire qu’elle voie autre chose que son visage.
    — Attends-moi dans le couloir, je t’appellerai ! ordonna le prévôt.
    La petite ressortit et se laissa glisser le long du mur, l’estomac secoué de nausées. Elle ferma les yeux, se racontant des histoires comme elle le faisait à chaque fois que la vie était trop dure.
    Le moine se pencha à nouveau vers le cadavre.
    — Ce garçon ne doit pas avoir plus de sept ou huit ans. Massacré comme les autres au coutel, puis achevé d’un seul coup en plein coeur.
    Le religieux eut un geste large pour désigner le corps lacéré.
    — Une fois le gamin mort, le tueur a gravé sa marque.
    Le moine retourna le cadavre, montrant le dessin très reconnaissable de trois lettres : V R S, taillées dans la chair.
    — Qu’est-ce que cela peut bien vouloir dire ? marmonna le prévôt en aidant le moine à remettre le garçon sur le dos.
    — Je ne sais pas. Peut-être le sceau de l’assassin, peut-être autre chose.
    — V R S, comme sur l’autre garçon et la fille. Vous n’avez pas vu d’autres violences ?
    — Non. Il n’abuse pas d’eux. Mais je ne suis qu’un infirmier, sire prévôt, et malgré mon âge avancé, il est des créatures de Dieu dont les desseins m’échappent.
    — À moi aussi, mon frère. À moi aussi.
    Et le prévôt rabattit le linceul jusqu’au menton.
    — Erika ! Tu peux venir.
    La fillette avait entendu, mais elle garda les paupières baissées et ne bougea pas.
    — Viens, te dis-je ! ordonna le prévôt qui l’avait rejointe dans le couloir et F aida à se remettre sur ses pieds. Ceux-là sont morts. À ton âge, tu devrais pourtant savoir que ce sont les vivants qui sont à craindre !
    La main dans celle du prévôt, Erika s’approcha lentement. La peau du garçon était livide mais, avec ses yeux clos, il avait l’air de dormir. C’était moins dur qu’elle n’avait pensé.
    — J’le connais pas, jeta-t-elle avant de reculer.
    — Tu es sûre ?
    — Oui.
    — Tu sais qu’il y a eu d’autres enfants morts ?
    La fillette hocha la tête. Elle n’avait plus qu’une envie, revoir le soleil, sentir l’odeur de sel sur ses lèvres, l’eau et le sable sous ses pieds nus. Eudes fit signe au moine de l’attendre et entraîna Erika vers l’escalier. Il ouvrit la porte donnant sur la basse-cour. La gamine cligna des yeux dans la lumière.
    — File, petite ! grommela Eudes. Que Dieu te garde.
    Erika ne se le fit pas dire deux fois et détala.

3
    Deux jours avaient passé depuis la mort du petit gars, un fils de pêcheur dont plus personne bientôt ne se souvint, pas même les siens qui avaient d’autres bouches à nourrir. Le prévôt n’avait pas trouvé l’assassin, et même si ses patrouilles continuaient à sillonner Barfleur, il avait renoncé à poursuivre une enquête dont personne, au fond, ne se souciait sauf lui et l’infirmier de l’hôtel-Dieu.
    Sur le port, on ne parlait plus que des bateaux qui allaient prendre la mer : une esnèque, un navire de guerre armé, disait-on, par le roi Henri lui-même, et un knörr, un navire de charge affrété par un marchand. Une longue file de chariots et de porteurs convoyaient les caisses et les ballots sortis des entrepôts. Les marins de l’esnèque embarquaient les victuailles et l’eau douce.
    L’homme de gouvernail du navire de guerre, le stirman, veillait à tout. C’était un gaillard du nom de Harald, originaire de Norvège comme Knut, son « maître de la hache ». Les deux hommes, aussi hauts et larges l’un que l’autre, avaient des yeux d’un bleu délavé, le cuir tanné par les vents et des mains comme des battoirs de lavandières.
    Dans le port à flot de Barfleur, l’esnèque, sa coque peinte de rouge et de jaune, dansait sur la houle. Elle avait la ligne effilée des « serpents », la silhouette et la voilure carrée des navires vikings. Construite à Portsmouth comme Vesnecca
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