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Les Frères Sisters

Les Frères Sisters

Titel: Les Frères Sisters
Autoren: Patrick deWitt
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je n’ai qu’une envie, c’est de m’allonger et de dormir, et c’est exactement ce que je fis, sans même avaler un repas digne de ce nom. Le lendemain matin, en enfilant mes bottes, je ressentis une douleur aiguë au gros orteil gauche. J’enlevai ma botte et la secouai. Je m’attendais à en voir tomber une ortie lorsqu’une énorme araignée poilue atterrit sur le dos, ses huit pattes gigotant dans l’air froid. Mon cœur s’emballa, et je fus pris d’un étourdissement car j’ai terriblement peur des araignées, des serpents et des choses qui rampent en général, et Charlie, le sachant, se précipita à la rescousse en jetant la créature dans le feu à l’aide de son couteau. Je regardai l’araignée se recroqueviller sur elle-même et mourir, partant en fumée telle une boule de papier, et me réjouis de sa souffrance.
    Un frisson glacial me parcourait à présent le tibia et je dis, «   C’était un petit animal puissant, mon frère.   » La fièvre s’empara alors de moi d’un coup, et je dus m’allonger. Mon teint blafard plongea Charlie dans l’inquiétude   ; lorsque je m’aperçus que je ne pouvais plus parler, il raviva le feu et partit à cheval vers la ville la plus proche pour aller chercher un médecin, qu’il ramena contre ou, du moins, partiellement contre, son gré. J’étais dans le brouillard, mais je me souviens des jurons qu’il poussait dès que Charlie s’éloignait. Il me donna un remède contre le venin dont certains ingrédients qui me firent tourner la tête tout en me rendant aussi guilleret que si j’avais été ivre. Tout ce que je voulais, c’était pardonner à la terre entière et fumer du tabac sans discontinuer. Je tombai très vite dans un sommeil profond, et restai inconscient jusqu’au matin suivant. À mon réveil, Charlie se tenait toujours près du feu. Il me regarda et sourit.
    Â«   Te souviens-tu de ce dont tu rêvais à l’instant   ? demanda-t-il.
    â€” Seulement que j’étais enfermé, répondis-je.
    â€” Tu n’arrêtais pas de dire, “Je suis dans la tente   ! Je suis dans la tente”   !
    â€” Je ne m’en souviens pas.
    â€” “Je suis dans la tente   !”
    â€” Aide-moi à me lever.   »
    Il obtempéra, et je parcourus le campement sur des jambes raides comme du bois. J’étais légèrement nauséeux   ; néanmoins je réussis à manger un repas complet — bacon, café, petits pains  — sans vomir. Je décidai que je me sentais suffisamment bien pour voyager, et nous partîmes tranquillement à cheval. Au bout de quatre ou cinq heures, nous fîmes halte de nouveau. Charlie me demandait constamment comment je me sentais, et, chaque fois, je m’efforçais de lui répondre, mais en vérité je ne le savais pas exactement. Était-ce le venin de l’araignée ou le remède antipoison de l’acariâtre médecin   ? Quoi qu’il en fût, je ne me sentais pas occuper mon corps pleinement. Je passai une nuit agitée et fébrile, et, au matin, quand je me tournai pour saluer Charlie, il me regarda et poussa un cri d’effroi. Je lui demandai ce qui n’allait pas, et il me tendit une assiette en étain pour que je puisse me regarder dedans.
    Â«   Qu’est-ce que c’est que ça   ? m’exclamai-je en me voyant.
    â€” C’est ta tête, mon ami.   » Il eut un petit mouvement de recul, et siffla.
    Le côté gauche de mon visage était enflé de manière grotesque, du haut du crâne jusqu’au cou. Je pouvais à peine ouvrir mon œil, et Charlie, retrouvant son sens de l’humour, déclara que je ressemblais à une espèce de chien et lança un bâton pour voir si j’irais le chercher. Je localisai l’origine du gonflement au niveau des dents et des gencives, et quand je tapotai d’un doigt mes dents du bas, à gauche, une violente douleur vibra à travers tout mon corps.
    Â«   Tu dois avoir trois bons litres de sang là-dedans, dit Charlie.
    â€” Où l’as-tu trouvé, ce médecin   ? Nous devrions retourner le voir et lui demander de me crever cet abcès.   »
    Charlie secoua la
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