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Les Filles De Caleb

Titel: Les Filles De Caleb
Autoren: Arlette Cousture
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qu’Émilie, malgré son caractère légèrement prompt, était une fille serviable. Puis, après plusieurs vaines tentatives, il osa demander à Célina si elle avait compris quelque chose à la scène de la veille. Elle répondit en rougissant que ces sautes d’humeur annonçaient probablement qu’Emilie aurait bientôt à utiliser des guenilles. Caleb se contenta d’émettre un grognement. Il n’aimait pas parler de ces histoires de femmes. Finalement, s’armant de courage, il tâta le terrain pour savoir si sa femme le trouvait injuste dans sa façon d’élever les enfants. Célina lui répondit qu’il était un bon mari et un bon père et qu’il faisait comme tous les pères. La vie était dure et tout le monde devait mettre la main à la pâte.
    «Est-ce que tu as l’impression que la pâte des filles est plus épaisse que celle des gars?» s’enquit-il faiblement, espérant une réponse négative.
    «La pâte des filles, c’est la pâte des filles.»
    Caleb la connaissait bien. Quand elle hésitait à dire le fond de sa pensée, elle répondait par une phrase toute faite, comme celle qu’elle venait de lui servir. Caleb se leva, mit son manteau et se chaussa.
    «J’vas voir si les outils ont pas besoin d’être graissés avant que le printemps arrive.»
    Célina fit mine d’approuver mais elle savait fort bien qu’ils avaient été huilés depuis belle lurette. Une fraction de seconde avant de franchir la porte, Caleb se retourna.
    «Est-ce que vous mangez toujours aussi froid que ce qu’on a mangé hier?»
    Célina hésita quelques instants avant de lui répondre.
    «Est-ce que c’était froid?»
    Caleb hocha la tête et sortit doucement.
     
     
    Au retour de l’école, Émilie semblait de meilleure humeur. Elle avait aidé sa mère à préparer le souper et s’était fait un point d’honneur de veiller à ce que les hommes de la maison aient tout ce qu’il leur fallait au bon moment. Caleb lui sourit à plusieurs reprises, timide manifestation d’approbation au constat que la brouille était terminée. Émilie lui rendit ses sourires. Les hommes se retirèrent de table et les femmes, après avoir posé un second couvert, s’assirent à leur tour. Caleb avait discrètement essayé d’imposer à ses fils un rythme accéléré, de façon que la nourriture n’ait pas le temps de trop refroidir. Il était fier de lui. Célina avait compris son manège et lui jeta, en s’asseyant, un discret coup d’œil de reconnaissance.
    «Tu viens pas t’asseoir, Émilie ? demanda-t-elle.
    —        Non, merci. J’aime mieux manger debout.
    —        Comment ça, t’aimes mieux manger debout ?
    —        Comme ça... »
    Caleb avait perdu le sourire. Elle lui tenait tête. Elle lui tenait tête, la mule. La mule ! Emilie mangea aussi rapidement que l’avait fait son père, puis lava seule toute la vaisselle qu’elle pouvait laver. Ses sœurs la regardaient, perplexes.
    «Attends-nous.
    —        Ben non, ça va aller plus vite. Profitez-en, c’est pas souvent que je suis serviable de même.»
    Anguille sous roche ! Il y a anguille sous roche, pensa Caleb. Mais il se garda bien de dire un seul mot.
    Le lendemain matin, Émilie se leva plus tôt qu’à l’accoutumée et avait déjà trait quelques vaches lorsque son père entra dans l’étable.
    «Qu’est-ce que tu fais ici, toi ?
    —        Le train. Après ça, j’vas passer le balai.
    —        C’est pas à ton tour de passer le balai.
    —        Si vous le dites. J’vas aller le passer dans la maison d’abord. »
    Caleb la regarda sortir, soupçonneux.
     
     
    Caleb ne savait plus du tout que faire. Émilie ne s’était pas assise à la table depuis un mois. Pouvait-il honnêtement la sermonner ? Elle faisait toujours ce qu’elle devait faire et même plus. Son travail était toujours exécuté dans un temps record. L’institutrice, lors de la rencontre de Pâques, leur avait dit, à lui et à Célina, qu’Émilie, encore une fois, était la première de sa classe. Elle avait même ajouté que si leur fille continuait de travailler comme elle le faisait, ce serait elle qui, bientôt, lui en apprendrait. Elle avait humblement admis qu’Émilie connaissait son français mieux qu’elle-même. Caleb, même s’il n’approuvait pas qu’Émilie poursuive ses études — encore moins pour être institutrice — éprouva néanmoins un énorme sentiment de fierté. Cette fierté
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