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Les Essais

Les Essais

Titel: Les Essais
Autoren: Michel de Montaigne
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leçons de la philosophie, jusques à en avoir armé les dents de
l'aveugle envie de ses ennemis à Rome. Ny chose plus remarquable en
Socrates, que ce que tout vieil, il trouve le temps de se faire
instruire à baller, et jouër des instrumens : et le tient pour
bien employé.
    Cettuy-cy, s'est veu en ecstase debout, un jour entier et une
nuict, en presence de toute l'armée Grecque, surpris et ravy par
quelque profonde pensée. Il s'est veu le premier parmy tant de
vaillants hommes de l'armée, courir au secours d'Alcibiades,
accablé des ennemis : le couvrir de son corps, et le
descharger de la presse, à vive force d'armes. En la bataille
Delienne, relever et sauver Xenophon, renversé de son cheval. Et
emmy tout le peuple d'Athenes, outré, comme luy, d'un si indigne
spectacle, se presenter le premier à recourir Theramenes, que les
trente tyrans faisoient mener à la mort par leurs satellites :
et ne desista cette hardie entreprinse, qu'à la remontrance de
Theramenes mesme : quoy qu'il ne fust suivy que de deux, en
tout. Il s'est veu, recherché par une beauté, de laquelle il estoit
esprins, maintenir au besoing une severe abstinence. Il s'est veu
continuellement marcher à la guerre, et fouler la glace les pieds
nuds ; porter mesme robbe en hyver et en esté : surmonter
tous ses compaignons en patience de travail, ne manger point
autrement en festin qu'en son ordinaire : Il s'est veu vingt
et sept ans, de pareil visage, porter la faim, la pauvreté,
l'indocilité de ses enfants, les griffes de sa femme. Et en fin la
calomnie, la tyrannie, la prison, les fers, et le venin. Mais cet
homme là estoit-il convié de boire à lut par devoir de
civilité ? c'estoit aussi celuy de l'armée, à qui en demeuroit
l'advantage. Et ne refusoit ny à jouër aux noisettes avec les
enfans, ny a courir avec eux sur un cheval de bois, et y avoit
bonne grace : Car toutes actions, dit la philosophie, sieent
egallement bien et honnorent egallement le sage. On a dequoy, et ne
doit-on jamais se lasser de presenter l'image de ce personnage à
tous patrons et formes de perfection. Il est fort peu d'exemples de
vie, pleins et purs. Et faict-on tort à nostre instruction, de nous
en proposer tous les jours, d'imbecilles et manques : à peine
bons à un seul ply : qui nous tirent arriere plustost :
corrupteurs plustost que correcteurs.
    Le peuple se trompe : on va bien plus facilement par les
bouts, où l'extremité sert de borne, d'arrest et de guide, que par
la voye du milieu large et ouverte, et selon l'art, que selon
nature ; mais bien moins noblement aussi, et moins
recommendablement. La grandeur de l'ame n'est pas tant, tirer à
mont, et tirer avant, comme sçavoir se ranger et circonscrire. Elle
tient pour grand, tout ce qui est assez. Et montre sa hauteur, à
aimer mieux les choses moyennes, que les eminentes. Il n'est rien
si beau et legitime, que de faire bien l'homme et deuëment. Ny
science si arduë que de bien sçavoir vivre cette vie. Et de nos
maladies la plus sauvage, c'est mespriser nostre estre. Qui veut
escarter son ame, le face hardiment s'il peut, lors que le corps se
portera mal, pour la descharger de cette contagion : Ailleurs
au contraire : qu'elle l'assiste et favorise, et ne refuse
point de participer à ses naturels plaisirs, et de s'y complaire
conjugalement : y apportant, si elle est plus sage, la
moderation, depeur que par indiscretion, ils ne se confondent avec
le desplaisir. L'intemperance, est peste de la volupté : et la
temperance n'est pas son fleau : c'est son assaisonnement.
Eudoxus, qui en establissoit le souverain bien, et ses compaignons,
qui la monterent à si haut prix, la savourerent en sa plus
gracieuse douceur, par le moyen de la temperance, qui fut en eux
singuliere et exemplaire. J'ordonne à mon ame, de regarder et la
douleur et la volupté, de veuë pareillement reiglée :
eodem enim vitio est effusio animi in lætitia
, quo in
dolore contractio : et pareillement ferme : Mais gayement
l'une, l'autre severement : Et selon ce qu'elle y peut
apporter, autant soigneuse d'en esteindre l'une, que d'estendre
l'autre. Le voir sainement les biens, tire apres soyle voir
sainement les maux. Et la douleur a quelque chose de non evitable,
en son tendre commencement : et la volupté quelque chose
d'evitable en sa fin excessive. Platon les accouple : et veut,
que ce soit pareillement l'office de la fortitude combattre à
l'encontre de la douleur, et à l'encontre des
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