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Les Conjurés De Pierre

Les Conjurés De Pierre

Titel: Les Conjurés De Pierre
Autoren: Philipp Vandenberg
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fit une pause et regarda l’homme qui l’accompagnait avec des yeux interrogateurs.
    — Que penses-tu d’elle ? chuchota-t-il entre ses dents.
    L’homme eut un petit rire cynique :
    — Ce n’est pas, et n’a jamais été la Gysela Kuchler avec laquelle j’ai discuté à Venise dans l’église de la Madonna dell’Orto, aussi vrai que je m’appelle Joachim von Floris.
    Bien qu’ils se soient donné rendez-vous le lendemain pour envisager l’avenir, Hus n’apparut pas à l’heure convenue. Son absence et la rencontre récente avec l’apostat ne faisaient que renforcer les inquiétudes d’Afra.
    Le lendemain, le roi Sigismond, arrivant de Speyer, fit son entrée en grande pompe dans la ville et s’installa dans la Rippenhaus face à l’église. Afra profita de la bousculade dans les rues pour se rendre discrètement chez Fida Pfister où Jan Hus demeurait. Ayant le parchemin sur elle, elle n’était guère rassurée.
    Afra remarqua dans les rues un peu partout des sergents décollant des murs et des portes des placards récapitulant les thèses de maître Hus.
    Elle apprit par un sergent que l’ordre émanait du pape Jean. Quant à lui, il était obligé d’exécuter les consignes, quand bien même cela irait à l’encontre de ses propres convictions.
    Une foule en colère s’était attroupée devant la maison de Fida Pfister. Debout sur un tabouret, Johann von Reinstein tentait de contenir l’assemblée surchauffée.
    Afra ne comprit pas immédiatement les raisons de ce rassemblement : d’un côté, il y avait ceux qui criaient « Hérétique ! » ou « Suppôt de Satan ! » en levant des poings menaçants, tandis que d’autres entouraient maître Johann pour le protéger d’une agression. Afra se fraya à grand-peine un chemin jusqu’à Reinstein.
    — Que s’est-il passé ? demanda-t-elle le souffle coupé.
    Lorsque Johann von Reinstein aperçut Afra, il descendit du tabouret pour lui hurler à l’oreille :
    — Ils ont arrêté Jan Hus. Il doit être jugé pour hérésie aujourd’hui même.
    — Mais Hus dispose d’un sauf-conduit du roi. Personne ne peut lui attenter un procès, pas même le pape !
    Reinstein eut un rire amer :
    — Vous constatez vous-même la valeur de ce papier. Il ne vaut guère plus qu’une lettre d’indulgence à trois sous, il ne vaut rien.
    — Où se trouve maître Hus en ce moment ?
    — Les sergents sont venus l’enchaîner, ils n’ont pas voulu nous dire le lieu de sa détention.
    Une femme, qui les avait entendus discuter, se mêla à leur conversation :
    — Ils l’ont emmené sur l’île, au couvent des dominicains. Je les ai vus de mes propres yeux. Quel malheur ! Hus n’est pas un hérétique. Il ose seulement dire ce que tous pensent tout bas.
    — Presque tous, mais pas encore suffisamment, dit-il en désignant d’un geste ample du bras la foule piaffante. Il était dépité.
    — Qu’allez-vous faire maintenant ? s’enquit Afra.
    Le maître haussa les épaules.
    — Que puis-je faire ? Moi, un pauvre universitaire de Bohème !
    — Mais vous ne pouvez pas assister à son procès sans intervenir. Vous savez qu’il suffit d’être accusé pour être condamné. Auriez-vous déjà assisté à un procès pour hérésie qui se serait soldé par un non-lieu ?
    — Non, cela n’est jamais arrivé.
    — Alors remuez ciel et terre pour empêcher ce procès ! Je vous en supplie !
    La passivité de Johann von Reinstein faisait enrager Afra. Cramoisie de colère, elle fixait le visage blême et décomposé du maître :
    — Que diantre ! Hus vous disait son ami, et vous restez là sans lever le petit doigt. Dans les situations désespérées, il faut savoir saisir les opportunités quelles qu’elles soient.
    — Bonne femme, ce n’est pas aussi simple que vous le croyez ! Que pourrait faire un individu seul contre la s ainte i nquisition. Croyez-moi !
    Jusqu’ici, Afra n’avait jamais douté de la supériorité des hommes sur les femmes, quel que soit le domaine. Ils étaient plus intelligents, plus forts, plus entreprenants parce que la nature l’avait voulu ainsi.
    Mais à cet instant, en voyant le maître au bord des larmes, désespéré et impuissant, abandonnant son ami à la mort, elle se demandait si cette idée de supériorité de la gent masculine entretenue par la s ainte m ère l’ é glise ne serait pas une illusion, une interprétation mensongère, ce qui d’ailleurs n’aurait rien
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