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Les Bandits

Les Bandits

Titel: Les Bandits
Autoren: E. J. Hobsawm
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approchèrent les bandits pour
gagner leur soutien ; cette proposition reçut l’aval de presque tous les
chrétiens, dans la mesure où elle leur conférait un sentiment d’identité et de
sécurité vis-à-vis des tenants de l’indépendance, qui étaient musulmans dans
leur très grande majorité. Toutefois, s’ils étaient en faveur de l’union, les
frères Mesazgi se montrèrent assez avisés pour ne pas tuer d’Érythréens pour
des raisons politiques, ce qui évitait les querelles de sang, et Weldegabriel s’abstint
de brûler leurs maisons ou leurs récoltes. Le soutien de l’Éthiopie permit aux
bandits non seulement de se procurer des armes et de l’argent, mais aussi de
trouver refuge de l’autre côté de la frontière. Là encore, si Weldegabriel
apporta sa contribution à la campagne de terreur qui visait à fédérer l’Érythrée
et l’Éthiopie, et s’il prit part aux combats contre les musulmans, il prit
garde de se tenir en dehors des luttes qui ne le concernaient pas directement
et de ne pas y impliquer sa province natale de Mereta Sebena.
    Lorsque les Nations unies votèrent
finalement en faveur de la fédération, les bandits perdirent le soutien des
unionistes et du gouvernement éthiopien. La plupart d’entre eux furent
amnistiés en 1951, mais Weldegabriel résista jusqu’en 1952. Il figurait sur une
liste de quatorze bandits que les Britanniques considéraient trop nuisibles
pour les autoriser à rester en Érythrée. Les autorités s’arrangèrent afin que
ceux-ci puissent trouver asile en Éthiopie, où ils reçurent des terres de l’empereur
de la province de Tigré et, dans le cas de Weldegabriel, une pension mensuelle.
Hélas, ces bandits faisaient désormais figure d’étrangers et les paysans locaux
leur étaient hostiles. L’empereur leur promit des terres moins difficiles, de
meilleures pensions, et une éducation gratuite pour leurs enfants, mais sans
que ces promesses se matérialisent. À l’exception de Weldegabriel, tous les
bandits revinrent progressivement en Érythrée.
    Weldegabriel aurait lui-même pu retourner à Beraquit, où, n’étant
plus un hors-la-loi, il était redevenu un membre respecté de la communauté. Il
n’était plus obligé de mener une vie d’errance et, dans la mesure où il ne
faisait plus courir de risques à son ancienne épouse, il s’était remarié avec
elle. Mais ses ennemis – le clan du gouverneur qu’il avait tué – étaient encore
puissants à Mereta Sebene. Weldegabriel et sa famille étaient encore « en
dette » avec eux, si bien qu’il préféra mener sa nouvelle vie à Tigré. Il
mourut à l’âge de soixante et un ans dans un hôpital d’Addis-Abeba. Une
cérémonie commémorative eut lieu à Beraquit. Selon un journal érythréen, de
nombreux notables y prirent part et des chanteurs funéraires louèrent ses hauts
faits. Les patriotes érythréens ont des sentiments mêlés au sujet de la
carrière de Weldegabriel : un bandit du peuple, mais un bandit qui
contribua à faire de leur pays une partie de l’Éthiopie. Quant à la politique
qu’il avait menée, elle n’appartenait pas au XX e siècle :
c’était l’antique politique de Robin des Bois face au shérif de Nottingham. »
    Pour les lecteurs occidentaux du troisième millénaire, la
carrière d’hommes tels que les Mesazgi pourra sembler étrange et difficile à
comprendre. Les chapitres qui suivent contribueront, je l’espère, à l’expliquer.

CHAPITRE
1.
LES BANDITS, L’ÉTAT ET LE POUVOIR
    « Il les força à l’appeler
“Seigneur”,
Ces traîtres qui lui faisaient escorte.
Il méprisait ses supérieurs :
Il voulait être plus encore…
Vous, le commun des mortels désarmés,
Courbés sur vos champs et vos mottes de terre,
Laissez donc ces pistolets :
Il vous sied de labourer…
Retournez à vos travaux champêtres…
Ne troublez plus le monde.
 
»
    Ballade
contant la mort du bandit Giacomo del Gallo, 1610 [6]
    Par monts et par vaux, des bandes d’hommes (traditionnellement,
les femmes en faisaient rarement partie) ne reconnaissant ni la loi ni l’autorité,
armés et violents, soumettent leurs victimes par l’extorsion, le vol, ou de
quelque autre façon. En défiant ainsi ceux qui détiennent ou prétendent détenir
le pouvoir, le droit et l’accès aux ressources, le banditisme défie l’ordre
économique, social et politique. Telle est la signification historique du
banditisme dans les sociétés et les États
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