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Les Bandits

Les Bandits

Titel: Les Bandits
Autoren: E. J. Hobsawm
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pour
responsable de la mort de leur père, et il s’était rendu aussi impopulaire que
son père pour une raison tout à fait semblable : il avait nommé au conseil
du village le membre d’un clan minoritaire installé à Beraquit, mais étranger
par ses origines. Weldegabriel fut emprisonné pour s’être opposé à cette
nomination au nom du village et, sa libération intervenue un an plus tard, il
passa aux menaces. Les frères décidèrent de tuer le nouveau gouverneur – ce qui
était légitime au vu des lois coutumières. Ils commencèrent par divorcer de
leurs épouses, afin que la police ne puisse les punir, regagnant par la même
occasion la mobilité sans laquelle les hors-la-loi ne sauraient opérer. Ils
tuèrent le gouverneur et prirent le maquis dans une forêt voisine grâce à la
complicité d’amis et de proches qui leur apportaient des vivres. Ils
bénéficiaient du soutien de la majorité des habitants du village, qui voyaient
en eux les défenseurs de leurs droits coutumiers, mais ils ne pouvaient en
aucun cas s’en prendre à leurs anciens voisins en leur dérobant leurs biens.
    Le clan minoritaire ainsi que la
famille du gouverneur étaient naturellement devenus leurs ennemis et prêtaient
main-forte aux autorités britanniques. Les frères Mesazgi s’abstinrent de les
massacrer, mais ils s’efforcèrent, avec un succès certain, de leur rendre la
vie impossible. La plupart d’entre eux quittèrent la région, et les Mesazgi
gagnèrent en popularité dans la mesure où les terres que ces émigrants
laissaient derrière eux étaient désormais à la disposition d’autres villageois.
Ils n’en restaient pas moins considérés comme des bandits ordinaires dans le
reste de la province, où l’on entretenait des doutes quant à la légitimité de
la dette de sang. On les tolérait parce qu’ils veillaient à ne pas s’en prendre
aux locaux qui ne les importunaient pas.
    Dans la mesure où ils avaient
besoin de soutiens plus larges, notamment s’ils voulaient continuer à harasser
la famille du gouverneur, les Mesazgi commencèrent à faire le tour des villages
en incitant les paysans à ne pas cultiver les lopins assignés au gouverneur et
à les partager. Par un mélange habilement dosé de persuasion et de cœrcition, ils
parvinrent à convaincre plusieurs communautés de dénoncer ces droits
semi-féodaux et mirent ainsi un terme aux prérogatives seigneuriales sur la
terre et le servage dans la province de Mereta Sebene. C’est à ce moment qu’on
cessa de les considérer comme de simples bandits et qu’on vit en eux des
bandits « particuliers », ou sociaux. Ils bénéficièrent dès lors de
protections contre les forces de police envoyées dans la région pour leur
donner la chasse – au détriment des villageois.
    Comme la police les avait coupés de
leurs sources de ravitaillement, les Mesazgi furent contraints de commettre des
vols le long de la grand-route régionale. Ils furent rejoints par d’autres
bandits. Dans la mesure où s’attaquer à des concitoyens érythréens pouvait
conduire à de nouvelles dettes de sang, ils préféraient s’en prendre aux
Italiens. Lorsque l’un des frères fut tué, les deux autres vengèrent sa mort en
tuant des Italiens sans discernement, et acquirent ainsi une réputation de
défenseurs des Érythréens. Bien qu’ils n’aient probablement pas tué plus de
onze Italiens, l’opinion locale exagéra leurs hauts faits et leur attribua
toutes les caractéristiques qui distinguent habituellement les héros, et
notamment l’invulnérabilité du bandit social. Un mythe vit ainsi le jour. Qui
plus est, dans la mesure où les routes étaient devenues peu sûres pour les
Italiens, les Érythréens, à qui l’administration italienne ou les Britanniques
avaient jusque-là interdit de conduire, furent désormais autorisés à le faire. Cette
mesure fut accueillie comme une amélioration de leur statut et des perspectives
d’emploi. De nombreuses voix s’élevèrent pour souhaiter « longue vie aux
fils de Mesazgi. Grâce à eux nous pouvons conduire des voitures ». Les
frères venaient d’entrer en politique.
    À cette époque (1948), les
incertitudes quant à l’avenir de l’ex-colonie rendaient la situation politique
confuse en Érythrée. Les champions de l’unité avec l’Éthiopie étaient opposés
aux défenseurs de diverses formules menant à une éventuelle indépendance
érythréenne. Des unionistes de premier rang
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